Semira Adamu est une jeune exilée nigériane, tuée le 22 septembre 1998 lors de sa sixième tentative d’expulsion.
Le rapport: Au-delà du retour
Interview de Semira Adamu sur Sonuma: https://www.sonuma.be/archive/welcome_1
Ligne du temps: la vie et le combat de Semira Adamu
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Image de Semira Adamu, 2 jours avant sa mort, extrait du reportage: https://www.sonuma.be/archive/welcome_1
Semira Adamu naît à Kaduna, au Nigéria.
Après avoir fui le Nigéria en passant par le Togo, Semira atterrit à l’aéroport de Zaventem, en transit vers Berlin. Elle est arrêtée et incarcérée au centre fermé 127 bis, à Steenokkerzeel. Elle introduit une demande d’asile motivée par la fuite d’un mariage forcé avec un polygame de 65 ans. Cette demande sera refusée.
Lors d’une manifestation devant le centre 127 bis, le Collectif contre les expulsions déploie un drap où est inscrit un numéro de téléphone. Ils reçoivent un appel : c’est Semira. Au cours des mois qui suivent, ses témoignages permettent de mieux connaître le fonctionnement des centres fermés, notamment la violence dont sont victimes les détenus. Les autorités ont déjà tenté de l’expulser à trois reprises.
Quatrième tentative d’expulsion, à laquelle Semira résiste. Dans l’avion, six policiers et deux gardes de la sécurité de la Sabena se rassemblent autour d’elle. “Ils poussaient partout sur mon corps et l’un d’eux compressait un oreiller sur mon visage. Il a presque réussi à m’étouffer“, témoigne Semira. Les passagers se révoltent, une bagarre éclate. La tentative d’expulsion échoue.
Les autorités belges tentent d’expulser Semira pour la cinquième fois. A nouveau, elle résiste et est débarquée de l’avion.
La RTBF diffuse un reportage sur les centres fermés dans lequel Semira témoigne de la violence des tentatives d’expulsion qu’elle a subies. Elle explique qu’à l’aéroport de Zaventem, ”l’ambiance a changé. Ils pourraient tuer“.
Les autorités tentent d’expulser Semira pour la sixième fois. Neuf gendarmes sont mobilisés pour l’embarquement. Dans l’avion, Semira chante. Elle se retrouve pieds et mains menottés, pliée en deux, la tête enfoncée dans un coussin par un gendarme pendant une quinzaine de minutes. L’étouffement plonge Semira dans le coma. Vers 21h30, Semira décède à l’hôpital Saint-Luc.
Le ministre de l’Intérieur, Louis Tobback, annonce sa démission.
Six mille personnes assistent aux funérailles de Semira Adamu aux alentours et dans la Cathédrale des Saints Michel et Gudule, dans le centre de Bruxelles.
Le Conseil des ministres décide de mettre en place une commission, présidée par le professeur Vermeersch, chargée d’évaluer les instructions en matière d’éloignement. La commission présente son rapport trois mois plus tard: il proscrit l’usage du coussin mais autorise le “saucissonnage” des étrangers et recommande les charters collectifs plutôt que des vols civils pour les expulsions.
L’arrêté royal fixant le régime des centres fermés est promulgué. Il donne un cadre légal au fonctionnement des centres fermés.
Le gouvernement adopte une loi de régularisation collective et ponctuelle des personnes sans-papiers, en réaction aux occupations d’églises par des sans-papiers, qui ont lieu suite à la mort de Semira.
Cinq ans après les faits, le procès de cinq anciens gendarmes poursuivis pour la mort de Semira s’ouvre à Bruxelles. Lors de la première audience, une vidéo filmée dans l’avion est diffusée. On y voit les onze longues minutes d’étouffement de Semira…
Quatre des cinq policiers poursuivis en justice sont condamnés ; trois écopent d’un an de prison avec sursis pour coups et blessures involontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, le quatrième est condamné à 14 mois avec sursis pour coups et blessures involontaires. Ce procès laisse un goût amer: ni les autres gendarmes, ni leurs supérieurs, ni l’Office des Étrangers, ni les anciens ministres de l’Intérieur Louis Tobback et Johan Vande Lanotte (qui avait réautorisé l’usage du coussin en 1996) n’auront eu à s’expliquer devant la justice.
Une seconde commission Vermeersch est réunie en réponse à l’agitation qu’a suscité le jugement au sein de la police. Elle présente son rapport un an plus tard: la plupart des mesures qu’elle prône garantissent moins une meilleure protection des personnes expulsées que la sécurité juridique du personnel policier.