Le rapport annuel du CIRÉ pour l’année 2022

Que retenir de l’année 2022? En un mot: le mépris.

Le mépris du gouvernement fédéral à l’égard des victimes de la crise de l’accueil, pour commencer.
Nous savons, comme nos autorités, que les personnes qui demandent la protection internationale à la Belgique fuient la violence, la guerre et parfois des conditions de vie terribles. Elles viennent d’Afghanistan, de Syrie, de Palestine, d’Érythrée… et arrivent en Belgique après une route longue et périlleuse.

L’attention accordée aux réfugié·es ukrainiens lors du déclenchement de la guerre a permis de mettre des visages sur l’exil forcé, de comprendre plus en profondeur leur vulnérabilité et leurs besoins pour mieux y répondre. Les autorités fédérales et régionales ont été audacieuses en ce qui concerne l’accueil des Ukrainien·nes. Cette audace peut être saluée. Mais si on la compare au mépris à l’égard de milliers d’autres réfugié·es, dont la vulnérabilité est piétinée sans émotion, on ne peut que se révolter. Être à l’abri, se reposer, retrouver un peu de dignité, bénéficier d’un soutien sociojuridique et d’une assistance médicale… Il s’agit des besoins de base de tous et toutes. Les non Ukrainien·nes ont pourtant été laissé·es à la rue tout au long de l’année 2022, en violation de la loi belge et malgré des milliers de condamnations judiciaires. Ils et elles ont été chassé·es des squats dans lesquels ils et elles tentaient de trouver abri et repos, alors que les autorités déployaient à l’égard des réfugié·es ukrainien·nes des mesures d’accueil d’urgence, d’hébergement citoyen, privé et public, et de facilitations pour l’accès aux droits sociaux. Si nous saluons la mobilisation des autorités positive à l’égard des réfugié·es ukrainien·nes, nous refusons et dénonçons catégoriquement ce double standard et cette émotion à géométrie variable. Nous pointons surtout le comportement de notre État voyou, qui ne respecte ni sa loi, ni sa justice, et qui s’en prend ainsi aux personnes en grande précarité que sont les réfugié·es.

Les suspicions incessantes à l’égard des personnes étrangères de la part, notamment, de la police aux frontières et de l’Office des étrangers ont continué de justifier la détention de citoyen·nes étranger·ères, en dépit de formalités administratives pourtant dûment accomplies. Faut-il rappeler que la privation de liberté est, en principe, avancée pour protéger l’ordre ou la sécurité publics, ou pour punir un comportement condamné par la loi? Et lorsqu’il s’agit d’étudiant·es étranger·ères bloqué·es dans leur parcours d’études et humilié·es alors qu’iels sont en ordre de séjour, la détention est révoltante. Plus que du mépris, ces pratiques violent les droits fondamentaux et sont indignes de notre État de droit. Elle alimente la polarisation autour des enjeux migratoires et la stigmatisation des personnes migrantes. Ces détentions ne sont tout simplement pas acceptables.

2022 a également été marquée par l’indifférence coupable des autorités à l’égard des milliers de personnes sans papiers qui vivent à nos côtés, qui travaillent, parfois dans des secteurs en pénurie, mais dont les droits et la dignité sont sans cesse piétinés.

Les 450 personnes sans papiers qui ont mené une longue grève de la faim en 2021 ont expérimenté et visibilisé le combat à armes inégales entre, d’une part des personnes qui souhaitent vivre simplement et travailler en ayant des droits et, d’autre part des postures politiques rigides et inhumaines. Le non-respect des promesses faites aux grévistes complète le mépris général à l’œuvre. Il n’entame pourtant pas la nécessité de poursuivre ce combat pour la dignité des personnes sans papiers, qui ont lancé la campagne “In My Name”. Auditionné·es au Parlement, les porte-parole de cette campagne ont donné une leçon de dignité et de responsabilité à la Chambre. Nous resterons à leur côté, indéfectiblement.

Retenons également de l’année 2022 une succession de mauvaises orientations politiques et des procédures administratives toujours plus compliquées et excluantes à l’égard de nos publics. Citons par exemple, la dynamique délétère autour de la reconnaissance des diplômes étrangers, particulièrement de la part de la Fédération Wallonie Bruxelles. Alors que près de 20% des personnes accompagnées dans leur procédure d’équivalence de diplôme par le CIRÉ ont réalisé des études dans un secteur en pénurie en Belgique, cette procédure entrave ces professionnel·les étranger·ères dans leur pleine participation socioéconomique, mais aussi dans la valorisation de leurs compétences.

Pointons également la digitalisation tous azimuts des procédures et des services publics, qui impactent particulièrement les personnes que nous accompagnons dans leur accès aux droits de base. L’accès aux services publics ne devrait pas passer par l’intermédiaire de services sociaux. Les services publics ont le devoir de garantir leur accès physique, notamment pour les personnes précarisées, malgré la facilitation que pourrait offrir la numérisation.

Terminons positivement par la résistance des personnes étrangères face à ces obstacles. Car au-delà des mobilisations politiques des citoyen·nes étrangers, nous constatons à travers nos activités d’apprentissage du français langue étrangère, et à travers nos projets en matière d’acquisition immobilière, que les personnes que nous accompagnons s’impliquent et acquièrent compétences et moyens pour trouver leur place en tant citoyen·nes. Nous poursuivrons ces activités et développerons les activités et outils qui outillent notre public et lui permettent de s’émanciper.

Pointons également la mobilisation de la société civile pour unir ses forces et opposer un front grandissant face au mépris de la politique migratoire à l’égard des citoyen·nes étranger·ères. Nous poursuivrons et étendrons ces collaborations précieuses avec les acteur·trices de la société civile, pour défendre nos positions communes.

Découvrez notre rapport d’activité 2022

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