Mutualité Saint-Michel: deux initiatives Sud-Nord1
Choisir de soutenir l’émergence de mutuelles de santé dans le cadre d’un projet de coopération internationale implique d’agir simultanément sur deux plans: au Sud, il s’agit de garantir l’accès aux soins de qualité; au Nord, il faut améliorer l’accès à l’information sur le droit à la santé. Dans les deux cas, la communauté africaine établie en Belgique peut jouer un rôle pivot.
Au Sud: l’accès aux soins de santé en République démocratique du Congo (RDC)
En 2010, après plusieurs rencontres avec les Nord-Kivutiens sur place et en Belgique et une étude de faisabilité, un partenariat s’est noué entre la Mutualité chrétienne Saint-Michel et la Mutualité de solidarité pour la santé (Musosa) basée à Butembo au Nord-Kivu, en RDC. “L’objectif de la Mutualité chrétienne est d’encourager le développement de mutuelles de santé grâce à un soutien organisationnel – outils de gestion, aide à la formation, à la participation de la population à la prise de décision… – et financier (uniquement pour les frais d’administration). Sollicités par de nouvelles demandes d’aide dans la région, nous avons récemment décidé de soutenir la création d’un Centre de gestion des risques et d’accompagnement technique des mutuelles de santé (CGAT) au niveau provincial”. Ce centre de gestion, composé d’un staff local, vise le renforcement endogène des capacités qui permettent aux mutuelles de se professionnaliser et de s’autonomiser afin d’offrir des services de qualité à leurs adhérents et de les représenter à tous les niveaux de l’État et de la pyramide sanitaire.
Ce projet ne peut vivre sans le soutien de la population congolaise ici et là-bas
À Bruxelles, un “Comité de partenariat” a donc été mis sur pied avec la diaspora, dès son démarrage. Ce comité accompagne le projet, le fait connaître, organise des rencontres et débats sur les enjeux Nord-Sud pour la protection sociale en matière de santé et accueille les partenaires congolais. “Lorsqu’ils retournent au pays, les membres du comité jouent un rôle fondamental de porte-parole pour mieux faire comprendre la philosophie et les objectifs d’une démarche mutualiste.”
Au Nord: l’accès à l’information sur les droits aux soins
Ces réunions ont également révélé un déficit en informations sur notre modèle belge de sécurité sociale, méconnaissance des aides légales et des droits, ignorance des structures d’aide… De façon générale, cette méconnaissance est un facteur important d’inégalités face aux soins. “La Mutualité chrétienne a donc décidé d’aller à la rencontre des acteurs sur le terrain pour construire ensemble l’information, en tenant compte de la dimension culturelle et sociale, des réalités économiques et professionnelles et des préoccupations de santé des demandeurs”. Ainsi, un groupe de réflexion s’est constitué. Des personnes relais ont été identifiées. Des formations débuteront dès septembre 2012 selon un programme et un planning construits en concertation.
Mutalité neutre Symbio: un programme innovant à Kinshasa2
Depuis 2008, la Mutualité neutre Symbio a lancé un programme de santé innovant à Kinshasa, par le biais d’une ASBL partenaire, MNK Œuvre de santé, permettant à la diaspora congolaise de prendre en charge les soins de santé de personnes proches à Kinshasa.
Moyennant une cotisation mensuelle par bénéficiaire de 18 euros (ou 15 pour les adhérents de la Mutuelle Symbio en Belgique), chaque personne résidant en Belgique, mais aussi, depuis 2011, en Europe, aux États-Unis et au Canada, peut prendre en charge jusqu’à 20 bénéficiaires. La cotisation couvre les soins médicaux prodigués dans des hôpitaux partenaires de Kinshasa ayant signé avec MNK une charte de bonne gouvernance garantissant la qualité des soins.
Le programme s’inscrit en outre dans un objectif cohérent de développement de la santé publique en RDC, l’argent recueilli étant réinvesti dans la formation et le recrutement de médecins sur place, évitant ainsi la fuite des cerveaux et dans la fourniture d’équipements médicaux pour les hôpitaux partenaires. MNK Œuvre de santé insiste par ailleurs sur les actions de prévention et sur l’utilisation de médicaments génériques.
La Mutualité neutre Symbio envisage d’étendre le programme à d’autres parties de la RDC ainsi qu’à d’autres pays africains: des pourparlers sont en cours avec le Rwanda et Madagascar. Enfin, avec les mêmes garanties de qualité, MNK a lancé en avril 2012 un programme local pour les entreprises du secteur public et privé kinois désireux d’assurer leurs salariés.
Mutualité socialiste: Solidarco3
Même préoccupation, autre méthode: la Mutualité socialiste lance en 2010, avec l’appui de Wallonie-Bruxelles International (WBI), un programme permettant à la diaspora congolaise de financer l’accès aux soins de proches résidant à Kinshasa.
Pour cela, la mutualité socialiste crée en Belgique une fondation de droit privé et, à Kinshasa, une asbl de droit congolais, intitulées toutes deux “Solidarco”. En versant 30 euros mensuels, soit 1 euro par jour, un membre de la diaspora congolaise en Belgique finance la couverture de soins et d’hospitalisation de sept personnes. Les soins sont assurés sur place par le partenariat noué entre Solidarco et le réseau médical et hospitalier du BDOM/Kinshasa (Bureau diocésain des œuvres médicales) lequel assure une couverture sanitaire à environ 2 millions d’habitants et dispose d’hôpitaux et de centres de soins de qualité. Si WBI a soutenu financièrement le lancement du projet les deux premières années, Solidarco est maintenant autofinancé par les versements des cotisants de la diaspora.
La gestion de Solidarco est assurée de façon paritaire par les partenaires belges et congolais, le conseil d’administration étant présidé par un Congolais. Initiatrice du programme mais non-gestionnaire, la Mutualité socialiste continue de l’appuyer en mettant gratuitement à disposition un membre de son personnel dont le rôle est de servir de lien entre les partenaires belges et congolais et de promouvoir le projet. L’objectif en effet est d’autonomiser totalement la partie congolaise.
DGCD: “Faire de la diaspora africaine un acteur de codéveloppement”4
Tout naturellement, la Direction générale de la coopération au développement et aide humanitaire (DGCD) du Ministère belge des Affaires étrangères tient compte pour ses programmes de l’origine des populations immigrées en Belgique: ainsi la grande majorité de ses 18 pays partenaires se situe en Afrique, notamment Afrique centrale et Afrique du Nord. Toutefois, au sein de la Direction thématique – Service Développement social (D2.3), les secteurs “Santé” et “Migration et protection sociale” vont plus loin et ont mis en place plusieurs initiatives liant diasporas africaines en Belgique et programmes de coopération en matière de santé, en s’appuyant notamment sur des ONG et sur l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Ainsi, la D2.3/Santé travaille avec Because-Health, une plateforme réunissant la société civile, académique et des acteurs publics et privés intéressés par les problèmes de santé publique et internationale, au sein de laquelle la diaspora africaine est représentée par l’ONG belge Benelux Afro Center (BAC). Cette ONG sert de relais entre la diaspora installée en Belgique et les populations restées au pays. Ainsi en avril 2012, BAC a pu organiser, avec l’appui de la DGCD, un atelier sur le renforcement des capacités de la société civile dans le secteur de santé des provinces du Bas-Congo, animé par un expert de la diaspora congolaise en Belgique. En octobre 2012 doit se tenir au Congo un dialogue sur la qualité, l’équité et le financement de la santé en Afrique centrale, organisé conjointement par la Division Évaluation et Planification du Ministère de la santé congolais et Because-Health et appuyé par la DGCD et la Coopération technique belge, le BAC étant plus particulièrement chargé de mobiliser les acteurs locaux de la santé.
La D2.3/Migration et Protection sociale participe de son côté au programme MIDA – Migration pour le développement en Afrique- initié en 2001 par l’OIM et des États africains. Ce programme vise explicitement à renforcer les dispositions institutionnelles des pays d’origine à travers la contribution des Africains de la diaspora. Lancé en 2006, le programme MIDA/Santé des Grands Lacs a ainsi proposé des formations professionnelles pour des médecins de RDC au sein d’une institution médicale en Belgique. Ce programme a conduit à l’établissement d’un partenariat entre d’une part l’hôpital pédiatrique de Kalembe Lembe à Kinshasa et d’autre part les Cliniques de l’Europe et les Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles. Deux médecins de l’hôpital de Kinshasa ont effectué un stage de formation en Belgique, améliorant ainsi leurs compétences professionnelles, compétences qu’ils ont pu réinvestir dès leur retour en RDC. Le partenariat établi entre les stagiaires congolais et leurs tuteurs issus de la diaspora a permis le suivi effectif de la formation en Belgique comme en RDC.
Notes: