Le “futur national”: conforme et productif

Dans son histoire, la Belgique a procédé à de multiples remaniements de son code de la nationalité. Ces changements sont liés à des figures emblématiques des étrangers ou des peurs qui leur sont associées. Trois grandes figures d’étranger structurent les changements du droit de la nationalité: l’ennemi de l’État-nation (lors de l’indépendance), le non-patriote (en temps de guerre), l’immigré productif (période migratoire)1.

La formation de l’État-nation s’accompagne de l’instauration du jus sanguini (“droit du sang”). La nationalité se transmet par le sang et par le père. Le jus sanguini s’impose pour favoriser l’unification nationale. L’ennemi du jeune État, le Hollandais ou le Français, représente l’image de l’étranger. L’inclusion des conditions d’accès à la nationalité dans la Constitution témoigne de l’importance que le Constituant a donné à la définition du national.

Après une brève période libérale qui voit l’introduction du jus soli (1909-1922), les conditions d’acquisition de la nationalité se durcissent. La nationalité et le patriotisme se superposent. L’étranger prend le sens même de son étymologie: l’ennemi, et plus encore l’ennemi de l’État. Cette loi reste en vigueur jusqu’en 1984 qui voit le début d’un cycle d’assouplissement des conditions d’acquisition de la nationalité belge. La figure dominante est celle de l’immigré productif maintenu en dehors de la communauté nationale. La nationalité est perçue comme une étape de l’intégration. De 1984 à 2000, l’acquisition de la nationalité reste largement un processus d’inclusion sous condition, supposant que le requérant passe des épreuves pour prouver qu’il mérite la nationalité. La loi très libérale de 2000 est surtout soutenue par les partis francophones alors que les Flamands y voient une concession exagérée comme en témoigne le qualificatif associé: snel Belgwet. Cependant, l’ouverture est de courte durée. La loi de 2012 est un véritable retour en arrière.

La loi très libérale de 2000 est surtout soutenue par les partis francophones alors que les Flamands y voient une concession exagérée comme en témoigne le qualificatif associé: snel Belgwet. Cependant, l’ouverture est de courte durée. La loi de 2012 est un véritable retour en arrière.

On pourrait considérer que les changements du Code de la nationalité ont connu deux périodes récentes, la seconde débutant avec la loi de 2012. La première période de 1984 à 2000 a conduit à de successifs assouplissements. L’image dominante de l’étranger est celle l’immigré productif. Les responsables politiques ont payé la dette de leur incurie passée envers les immigrés et leurs descendants (assouplissement et jus soli – “droit du sol”). Il était impossible de maintenir à l’écart de l’ordre national des populations résidant en Belgique depuis plus de 30 ans et encore moins leurs enfants. Les assouplissements de la loi résonnent comme une concession nécessaire à faire aux immigrés des années 60-70 pour leur contribution au développement économique de la Belgique.

Il en va tout autrement depuis le début des années 2000, l’image dominante de l’étranger est devenue celle de l’immigré improductif, ou plutôt l’immigrée improductive, l’épouse d’un pays tiers qui rejoint son époux, belge ou non. Cette personne est perçue comme une immigrée qui va jouir indûment des “largesses” de l’État social. Depuis le vote de la nouvelle loi relative au regroupement familial de 2011, on assiste à une double inversion: réduction des droits et leadership des partis flamands sur cet agenda politique. Les gouvernements adhèrent à l’idée que les nouvelles migrations doivent être réduites au maximum, surtout pour l'”immigration subie” (regroupement familial et demande d’asile), empruntant de la sorte la voie restrictive hollandaise. Tout étranger qui risque de dépendre des transferts sociaux (chômage, aide sociale, assurance maladie…) n’est plus le bienvenu dans la communauté nationale. La logique de la responsabilisation de l’État social actif est passée par là, contre le droit de vivre en famille.

1 A. Rea & M. Bietlot, “Les changements du code de la nationalité en Belgique. De la peur de l’étranger à son inclusion sous condition”, in M. Martiniello, A. Rea et F. Dassetto (Eds), Immigration et intégration en Belgique francophone. Un état des savoirs, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2007, pp. 141-178.
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