La plume contre les inégalités

Écrivain public. Le mot est lâché et l’imagination s’emballe. On pense à ces artistes, grattant sur le papier des poèmes déclamés devant un public admiratif. Mais il n’en est rien. La profession est bien plus pragmatique. Elle s’adresse à toute personne ayant des difficultés dans la lecture et la rédaction.

“Personne dont le métier est d’écrire avec autrui.” Voilà ce que l’on peut lire sobrement sur le site de l’Espace des écrivains publics, en guise d’introduction. Sans prétentions littéraires, ces écrivains tiennent un rôle social: aider ceux incapables de déchiffrer des lettres couchées sur le papier ou encore ceux pour qui la langue française est étrangère. Le mouvement d’éducation permanente Présence et Action Culturelles (PAC) a mis en place son propre réseau d’écrivains publics. La toile s’étend de Bruxelles aux quatre coins de la Wallonie: Dinant, Mons, Charleroi, Verviers ou encore Namur. “Nous partons du constat que la non maîtrise de la langue française est porteuse d’inégalités. C’est pour pallier cette injustice que nous accompagnons les personnes qui ne savent ni lire ni écrire dans la rédaction de leur courrier administratif“, explique Stéphan Paquet, coordinateur de l’Espace des écrivains publics de la Cité ardente.

Si certains ont choisi d’en faire un métier tarifé, le PAC a préféré offrir ses services. Des permanences se tiennent chaque semaine. Mais on ne s’improvise pas écrivain public, “c’est un travail minutieux”, décrit Mireille Verbeke, bénévole depuis un an et demi. Cela demande de la patience, de l’écoute. Il faut aussi connaître le fonctionnement du système social.” Avant d’agripper leur stylo, les volontaires suivent une formation préliminaire de 96 heures, à raison de deux jours par semaine durant deux mois. “On y donne des cours de psychologie pour apprendre à percevoir la demande de la personne, le sentiment qu’elle cherche à véhiculer à travers le courrier, le ton qui doit être retranscrit pour répondre aux attentes. Il y a également une partie administrative avec des cours de droits sociaux, de législation fiscale, de droit des étrangers“, détaille Stéphan Paquet.

Avec l’arrivée plus importante de migrants, les bénévoles aident également dans les centres d’accueil de réfugiés. C’est le cas de Mireille qui se rend dans le centre Fedasil de Bovigny une à trois fois par semaine. “Je passe mon temps au bout du fil à appeler des propriétaires pour tenter de trouver des logements aux demandeurs d’asile plutôt qu’à écrire des lettres. Le métier évolue, on s’adapte.
Depuis 2011, les demandes d’écrivains publics ont doublé, passant de 800 à 2.000 en 2014. Pour Stéphan Paquet, ces chiffres sont révélateurs d’un problème d’intégration scolaire et de la complexification des courriers. “Malheureusement, nous serons encore là pour un bon bout de temps.”

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