Dans les squats

Pendant ces semaines de crise, les demandeurs d’asile ont réquisitionné tous les logements disponibles. Légalement ou illégalement…

Fin septembre 2010, une convention est signée entre FEDASIL et la Croix-Rouge pour l’ouverture de 2.000 places d’urgence, notamment dans des anciennes casernes. Mais ouvrir des places prend du temps. Or, sur le terrain, le nombre de demandeurs d’asile à la rue ne cesse d’augmenter alors que les températures avoisinent les 0°C. Comment avez-vous réagi? 

Nous trouvions déjà que la situation des personnes dans les hôtels était dramatique. Mais, en l’absence des places d’urgence, des dizaines et des dizaines de personnes dormaient dans la rue malgré le froid. On leur a donné du pain, de l’eau, de la soupe et des couvertures.

Ces personnes, vous les trouviez dans les gares. Mais il y avait aussi les nombreux demandeurs d’asile qui se trouvaient dans des bâtiments abandonnés ou des squats…

Pour les demandeurs d’asile dans les squats, nous avons mis en place une équipe distincte. Elle réalisait une tournante dans les lieux où les demandeurs d’asile avaient trouvé refuge. Le premier travail était d’identifier ces lieux. On l’a fait surtout via le bouche à oreille. Nous nous sommes ensuite rendus dans chacun de ces lieux. la mobilisation de citoyens était impressionnante. Ils venaient en aide aux demandeurs d’asile dans les squats avec les moyens du bord. Dans un premier temps pour faire un état des lieux et apporter de la soupe, du pain, de l’eau, des couvertures, des bonnets… Mais, face à l’ampleur de la situation, on a décidé très rapidement de mettre en place une autre procédure qui consistait à sélectionner les personnes vulnérables, c’est-à-dire les personnes malades, les femmes enceintes, les familles avec enfants qui dormaient dans la gare du Nord, dans la rue ou dans les squats… On a augmenté la capacité des centres d’accueil Croix-Rouge en louant des “préfabriqués”. Notre équipe sélectionnait ces personnes vulnérables et les envoyait là où il y avait de la place.

Sur quelle base s’opérait cette sélection?

C’était une tâche très difficile. Pour des raisons techniques, on ne reprenait pas les “cas Dublin” ni les troisièmes ou quatrièmes demandes d’asile. On ne prenait pas non plus les Européens, pour mieux pouvoir aider les personnes vraiment vulnérables. Par exemple, pour les familles de la gare du Nord, il y avait des femmes enceintes mais presque uniquement que des grandes familles. On leur a installé des matelas au sous-sol. L’aide matérielle comme la nourriture ou les couvertures était distribuée à tout le monde. Mais, en ce qui concerne l’intégration des personnes dans le réseau, les critères étaient les mêmes que dans les centres si ce n’est que nous avions vraiment très peu de places…

Comment cela était-il perçu par les principaux intéressés?

Parfois, ça a viré à l’émeute. Il est arrivé un jour que nous n’avions que 6 places alors que 30 personnes espéraient être prises en charge. Malheureusement, nous étions bien obligés de mettre en place des critères de priorité. Ainsi, une infirmière nous accompagnait pour examiner les hommes isolés. Mais nous ne pouvions pas les emmener parce que la plupart d’entre eux ne répondaient pas aux critères. Enfin, le critère de l’ancienneté est lui aussi intervenu. Quand nous n’avions que quelques places pour un groupe d’une quarantaine de demandeurs d’asile, nous demandions les documents de chacun pour prendre ceux qui étaient à la rue depuis le plus longtemps.

Sur le terrain, vous n’étiez pas les seuls: durant cette crise, on a vu de nombreux citoyens se mobiliser…

En certains endroits, la mobilisation de citoyens était impressionnante. Ils venaient en aide aux demandeurs d’asile dans les squats avec les moyens du bord. Nous passions régulièrement dans ces lieux, mais je dois dire que la mobilisation et l’organisation étaient surprenantes. Au bout d’un moment, dans nos tournées, on s’est aperçu que les squats se vidaient peu à peu. Il n’y avait plus de demandeurs d’asile que nous pouvions prendre en charge et intégrer dans le réseau. Alors on a arrêté. Entre-temps, les places d’urgence se sont ouvertes et les demandeurs d’asile qui se présentaient au dispatching de FEDASIL étaient à nouveau accueillis… 

Propos recueillis par François Corbiau

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