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Sortons les Afghans du "no man's land" actuel

D’occupations en manifestations, des familles afghanes ont multiplié les actions ces derniers mois pour faire entendre leur voix. En vain. Ce qu’elles demandent? Que la Belgique leur octroie un droit de séjour. Parce qu’elles sont en Belgique depuis de nombreuses années. Parce que les enfants y ont grandi et vont à l’école. Parce que les parents veulent travailler. Et parce qu’ils vivent dans la crainte d’être expulsés vers l’Afghanistan… Une carte blanche parue le vendredi 4 octobre 2013 dans le journal Le Soir.

L’Afghanistan… Un pays dont la situation sécuritaire se dégrade, où les attaques touchant les civils se perpétuent et où nos forces armées sont d’ailleurs encore présentes. Un pays toujours en guerre, où le conflit est volatil: une région considérée comme sûre à un moment donné basculera dans la violence un temps plus tard. Récemment, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a insisté sur le fait qu’une grande partie des demandeurs d’asile afghans ont besoin de protection, soit en raison de leur profil vulnérable soit en raison de la violence aveugle qui sévit du fait du conflit armé dans leur pays.

Alors, oui, la Belgique accorde la protection à certains Afghans. Mais à d’autres pas. Il subsiste d’importants problèmes dans l’examen de leur demande d’asile. L’intérêt supérieur des enfants n’est pas pris en considération. Les questions spécifiques liées aux femmes et aux filles afghanes ne semblent pas être examinées. Alors que tant les enfants que les filles sont considérés comme des profils “à risque” par le HCR. Plus spécifiquement, lors de l’examen de la demande d’asile, la question de la crédibilité (origine et nationalité) et celle du séjour récent en Afghanistan priment sur la question essentielle du risque objectif encouru en cas de retour dans le pays. Et lorsqu’il s’agit de la possibilité d’octroyer la protection subsidiaire, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides examine la situation région par région, ce qui nous semble inapproprié compte tenu de la volatilité du conflit. La nationalité est souvent remise en doute par les instances d’asile pour ne pas accorder de protection, mais lors du renvoi, l’Office des étrangers les considère comme Afghans et les expulse vers Kaboul… N’est-ce pas totalement contradictoire?

Ils sont nombreux, du coup, les demandeurs d’asile afghans qui passent entre les mailles du filet de la protection belge. Déboutés de l’asile, ils doivent retourner en Afghanistan. En 2011, la Belgique avait décidé de ne plus renvoyer les personnes vers l’Afghanistan. Aujourd’hui, la politique change. Nous constatons qu’il y a, depuis plus d’un an, de plus en plus d’enfermements en vue d’expulsions vers Kaboul. Souvent, il s’agit de jeunes hommes isolés, pour la plupart bien intégrés dans notre pays. Les familles, elles, ne sont pas renvoyées. Elles sont, de fait, “inéloignables”. C’est ainsi que beaucoup d’entre elles se retrouvent dans l’illégalité, pendant des années, avec des enfants qui suivent une scolarité ou qui sont, pour certains d’entre eux, nés ici. Et c’est notamment elles que vous voyez ces dernières semaines dans les médias, désemparées parce qu’elles se retrouvent dans cette situation sans issue…

La position de la Belgique face aux demandeurs d’asile afghans est problématique et ambigüe. Et elle a des conséquences humaines et humanitaires graves. Nous demandons au Gouvernement de clarifier sa position afin de trouver des solutions réellement humaines à la situation des Afghans. Et en attendant, de mettre clairement en place un moratoire sur toutes les expulsions vers l’Afghanistan.

Nous insistons également auprès des instances d’asile pour qu’elles examinent les demandes de protection de ressortissants afghans avec toute la rigueur qui s’impose, compte tenu de la nature volatile du conflit et des nombreux profils « à risque » listés par le HCR. Et pour qu’elles réexaminent les demandes d’asile d’Afghans sur la base des nouvelles recommandations du HCR.

Les Afghans qui ne peuvent être éloignés mais qui se voient refuser l’asile ou la régularisation se trouvent actuellement dans une situation de non droit. Les familles, n’ayant pas de possibilité de séjour, ni de retour, doivent vivre dans la clandestinité, parfois à la rue. Pourquoi ne pas leur octroyer un titre de séjour provisoire, leur permettant de travailler et de mener une vie digne, au lieu de les maintenir dans un “no man’s land”?

Malou Gay, directrice-adjointe du CIRÉ
Philippe Hensmans, directeur d’Amnesty International Belgique francophone
Fabrice Van Reymenant, directeur de Bruxelles Laïque
Guy Tordeur, secrétaire fédéral CSC Bruxelles-Hal-Vilvorde
Jean-François Tamellini, secrétaire fédéral FGTB
Alexis Deswaef, président de la Ligue des droits de l’Homme
Els Keytsman, directrice de Vluchtelingenwerk Vlaanderen

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