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Ce 21 mars 2013 est la journée mondiale pour l’élimination de la discrimination raciale, proclamée en 1966 par l’assemblée générale des Nations Unies. L’événement moteur pour l’institution de cette journée fut le massacre, le 21 mars 1960 à Sharpeville en Afrique du Sud, de Noirs qui manifestaient pacifiquement contre le système des laissez-passer pour se déplacer dans leur pays. Cette journée est donc l’occasion de nous demander: en Belgique, quarante sept ans plus tard, où en sommes-nous avec le racisme? Cette carte blanche de SHARE* est parue sur le site internet du journal Le Soir.

Bien que la “loi Moureaux”, renforcée par des législations plus récentes, permette de sanctionner des actes de racisme avérés, aucune diminution du nombre d’actes de racisme n’a pu cependant être observée. Au contraire, ce nombre augmente chaque année. Certes, on peut partiellement expliquer cette augmentation par un meilleur reporting. Néanmoins, les organisations de lutte contre le racisme observent également une persistance et une banalisation des idées et des comportements racistes au sein de la société belge. Cela s’exprime essentiellement par des discriminations – à l’embauche, au logement, dans l’enseignement – ainsi que par un manque de respect criant à l’égard des personnes discriminées. Les raisons de cette banalisation sont bien sûr complexes.

Tout d’abord, une récente étude du Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte Contre le Racisme vient nous rappeler que l’actuelle perception par les Belges natifs des migrants d’ex pays-colonisés et de leurs descendants, reste dominée par la persistance de clichés hérités de la colonisation. Les réminiscences de la propagande coloniale impriment donc encore profondément la mémoire collective belge et transmettent à travers les âges une représentation de l’autre, descendant d’un peuple colonisé, comme un homme inférieur, moins intelligent, peu “civilisé” et devant sans cesse être paterné. Ce stigmate, auquel les immigrés et leurs descendants font face quotidiennement, nourrit une blessure qui n’est pas encore pansée et une colère qui en est aussi l’expression.

Par ailleurs, aujourd’hui, au nom de la gestion des flux migratoires, on enferme, on exclut, on humilie et on multiplie les obstacles administratifs au mouvement de certaines catégories de personnes. Ces politiques migratoires reposent sur des discours et des législations qui légitiment des pratiques discriminatoires. Ces pratiques s’apparentent clairement à une autre forme de racisme, peut-être plus difficile à appréhender, car elle n’est pas habituellement associée à ce que l’on appelle communément “racisme”. Elle entretient cependant le sentiment qu’il existe des sous-hommes, les “Migrants”. Cette nouvelle “race” s’inscrit dans la montée de pratiques et d’idées xénophobes, en cette période de crise économique et culturelle, où l’Autre devient un concurrent direct dans la lutte pour la survie.

Afin d’éviter l’engrenage infernal de ces pratiques et de ces idées, il est indispensable d’adopter des mesures juridiques fortes qui cessent de criminaliser l’existence des migrants, car cette criminalisation a des conséquences désastreuses, y compris pour les générations qui suivent et, partant, pour la société dans son ensemble.

Beaucoup de migrants d’hier étant des citoyens d’aujourd’hui, et leurs enfants formant la société de demain, il est impératif de corriger les perceptions racistes encore ancrées dans l’imaginaire collectif, afin de réconcilier l’ensemble de la communauté nationale. Pour ce faire, un arsenal juridique, seul, ne suffit pas. Il faut lui adjoindre une politique résolument volontariste, en faveur d’une société réellement pluriculturelle et pluriethnique. Au sein de cette société, le respect de la personne humaine, de son identité, de sa personnalité et de son histoire, doit être la valeur cardinale et inviolable.

Au premier rang des espaces de mise en œuvre d’une telle politique, se trouve l’école. Celle-ci doit devenir le lieu de l’enseignement d’une histoire plus juste sur les migrations, la colonisation, les cultures et civilisations dont sont originaires les migrants souvent victimes de racisme.

Ensuite, le monde politique, les médias ou les services publics, en tant qu’espaces d’influence sur le devenir de la société, doivent être ouverts de manière volontariste aux personnes discriminées. Si pour pallier à la marginalisation des femmes dans ces espaces, il a fallu adopter des conventions voire des lois sur la parité, le rejet des personnes discriminées en raison de leur apparence ou de leur origine n’est pas un problème de moindre importance pour ne pas, lui aussi, nécessiter de telles conventions, voire des lois. La parité n’excluant pas la compétence, il ne s’agit pas ici de favoriser, sans conditions de savoirs ou d’expertises, les personnes discriminées.

Cinquante trois ans après Sharpeville, il est temps en Belgique, d’engager un mouvement déterminé et résolu vers la suppression définitive du laissez-passer économique, du laissez-passer phénotypique, du laissez-passer ethnique, du laissez-passer culturel, pour avoir accès à un logement, à un emploi, à une juste reconnaissance de ses compétences, de sa culture et de son histoire, bref à une vie digne.

 

* Share est une plateforme belge de réflexion et d’actions, composée d’organisations issues de l’immigration

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