Ex-grévistes de la faim: derrière les chiffres, des vies!

Communiqué de presse – 8 juin 2022

Ils et elles sont 475 à avoir mis leur vie en danger pour pouvoir rester auprès de leurs familles, de leurs ami ·es, pour exercer un travail déclaré dans des conditions humaines et justes. 475 à avoir mené une grève de la faim pendant près de deux mois en été 2021, pour rendre visibles les conditions de vie de tous·tes celles et ceux qui vivent en Belgique sans titre de séjour.

Une gestion de crise faite de cynisme et d’amateurisme

L’indécence avec laquelle la grève de la faim a été gérée laissera une empreinte indélébile dans l’histoire de la migration en Belgique. Tout au long de cette crise, les annonces politiques se sont succédé, soufflant le chaud et le froid, en une longue suite de contradictions. Un “facilitateur” a été nommé, sans qu’il lui ait été donné de mandat clairement défini, et alors que les procédures de séjour ne faisaient pas partie de son domaine d’expertise.

Au moment où la grève entrait dans une phase extrêmement dangereuse, le secrétaire d’État a envoyé des psychologues, supposé·es accompagner les grévistes. Cela n’a eu pour seul effet que de les éloigner des professionnel·les qui les suivaient déjà à titre bénévole, et qui bénéficiaient jusque-là de leur confiance. L’arrivée, en pleine nuit, dans les lieux occupés, d’ambulances de l’hôpital militaire sans que leur mission ne soit expliquée a créé un mouvement de panique au sein des grévistes, qui craignaient d’être emmené·es de force. Toutes ces manœuvres du secrétaire d’État ont écarté les grévistes des équipes médicales présentes à leurs côtés, et ont aggravé une situation déjà particulièrement dangereuse.

Au-delà de l’amateurisme, la ruse et la manipulation dont ont fait preuve les représentants de l’État belge pour faire cesser l’action des personnes sans papiers ont eu de lourdes conséquences. Le secrétaire d’État et le directeur général de l’Office des étrangers n’ont pas hésité à leur faire croire, alors qu’ils et elles étaient en situation de grande vulnérabilité, que bon nombre d’entre eux·elles avaient des chances d’être régularisé·es. Des lignes directrices ont été établies et présentées, mais n’ont jamais été appliquées dans le traitement des dossiers de ces personnes.

Derrière les chiffres, il y a des personnes!

Sur les 442 dossiers de régularisation humanitaire introduits, seules 55 décisions positives ont été prises, soit environ 1 dossier sur 8. Le secrétaire d’État ne communique que des données statistiques: le nombre de dossiers introduits, de personnes concernées, de décisions rendues, la répartition par nationalités, le nombre de pages de certains dossiers, le nombre de personnes qui avaient déjà reçu un ordre de quitter le territoire… En ne parlant que de chiffres, il choisit d’effacer les personnes, de les déshumaniser, une fois de plus.

Parmi les exclu·es de la régularisation, il y a d’ancien·nes étudiant·es, qui ont passé plusieurs années en séjour légal en Belgique. Des personnes dont toute la famille vit ici légalement depuis très longtemps. Des personnes qui avaient été régularisées en 2009, et qui ont perdu leur titre de séjour après la faillite de l’entreprise qui les employait. Des boulangers, des pâtissiers, des électriciens, des infirmiers, des couturières… qui ont tous·tes en commun que leur vie est ici. Leur histoire est ici. Leur avenir est ici. Ces 423 décisions de refus de séjour sont autant de vies broyées par des décisions administratives arbitraires et injustes.

Indécence: stop ou encore?

Aujourd’hui, les autorités belges appellent les ancien·nes grévistes à se rendre auprès des “coachs ICAM”, pour que l’Office des étrangers leur explique “leurs perspectives d’avenir durable au pays d’origine”… Personne ne décide de mettre sa vie en danger s’il·elle a une autre option. Aucune de ces personnes n’aurait mené une grève de la faim pendant deux mois si elle avait eu une quelconque possibilité de “retour durable au pays d’origine”.

En agissant ainsi, les autorités nient la contribution de ces personnes à la société belge, les relations qu’elles ont construites au fil du temps, leur investissement, leur implication. Elles nient leur existence même. Ce déni est une violence inouïe, qui vient s’ajouter à celle de la décision de refus de séjour.

Les personnes sans papiers sont des citoyen·nes de ce pays. Ils et elles contribuent et participent à la vie de la société. Ils et elles ne sont pas une option, mais une réalité de fait. Ils et elles sont ici depuis longtemps, et vont rester ici. Il faut maintenant que les autorités décident si elles vont continuer à laisser délibérément croupir près d’1% de notre population dans des conditions de survie indignes. Il faut maintenant qu’elles décident si elles veulent marquer l’histoire de leur mandat du sceau de la honte, ou de celui de la justice.

Nos organisations sont avec les personnes sans papiers et lutteront avec elles pour une politique de régularisation juste et humaine, jusqu’à ce que leurs droits soient enfin reconnus.

Signataires

CIRÉMigrants CSCFGTB FédéraleMOC

crédit photo: © Fabienne Pennewaert

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