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Donnons-nous les moyens d’accompagner les réfugiés !

Aux différentes étapes du parcours des réfugiés, les associations qui les accompagnent ont un rôle primordial. Pourtant elles ont perdu ou sont en passe de perdre une grande partie de leurs financements structurels. Alors que leur rôle est plus que jamais nécessaire. Découvrez l’opinion de Malou Gay, co-directrice du CIRÉ diffusée sur le site de la Libre.be le lundi 28 septembre 2015.

L’actualité le démontre chaque jour : les demandeurs d’asile arrivent nombreux chez nous, pour demander la protection. Ils fuient la guerre et les violences. La Belgique, en vertu de ses engagements internationaux, se doit de les accueillir dignement, durant leur procédure, à l’instar des autres pays membres de l’Union européenne. Alors, dans l’urgence, le gouvernement ouvre des nouvelles places d’accueil. Mais ensuite ? Une fois reconnus réfugiés, ils devront chercher un logement, apprendre la langue, trouver un travail. Aux différentes étapes du parcours des demandeurs d’asile, les associations qui les accompagnent ont un rôle primordial. Pourtant, elles ont perdu – ou sont en passe de perdre – une grande partie de leurs financements structurels. Alors que leur rôle est plus que jamais nécessaire.

Pourquoi une telle situation ?

Pour comprendre la situation dans laquelle se trouvent actuellement ces associations, revenons un peu en arrière.

2014 : Dans un contexte de réduction du nombre de demandeurs d’asile, le Gouvernement et Fedasil (l’agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile) ont mis en place un nouveau modèle d’accueil, prévoyant principalement l’accueil dans des centres collectifs et dans des initiatives locales d’accueil (ILA) gérées par les CPAS, à charge de ceux-ci d’aider les réfugiés ayant obtenu leur statut à trouver un logement sur le marché privé afin de libérer leur place d’accueil pour d’autres demandeurs d’asile et de les accompagner dans leur chemin d’intégration.

Au passage, on a supprimé de nombreux logements d’accueil individuels gérés par les associations, qui ont pourtant une expertise de longue date dans l’accompagnement des demandeurs d’asile et l’aide à l’insertion de ceux-ci une fois le statut de réfugié obtenu.

Par ailleurs, on a également programmé dans ce cadre la disparition des associations spécialisées qui accompagnaient activement les réfugiés reconnus dans leur recherche de logement sur le marché privé et dans les divers aspects de leur intégration. Ces associations sont toutes en instance de fermeture ou de forte restructuration. Elles font pourtant un travail primordial d’accompagnement et d’intégration des réfugiés en Belgique. Elles les aident à trouver un logement, elles organisent des cours de langue, elles font de l’orientation socio-professionnelle, elles fournissent un accompagnement social ou juridique, elles suivent les démarches de regroupement familial, elles soutiennent les mineurs étrangers non accompagnés, elles mettent en place des projets d’intégration en vue de favoriser le vivre-ensemble, elles font de l’interprétariat social pour les personnes ne maîtrisant pas encore la langue… Bref, elles jouent un rôle essentiel et complémentaire à l’action des CPAS pour prendre en compte les vulnérabilités propres aux réfugiés.

Ce nouveau modèle d’accueil a pour principal mérite de vouloir répartir la charge de l’accueil des demandeurs d’asile et de l’accompagnement des réfugiés reconnus entre un large ensemble de CPAS actifs sur tout le territoire. Il ne tient cependant plus du tout devant la situation que l’on vit aujourd’hui et pour les années à venir : non seulement les demandeurs d’asile sont nombreux, mais la grande majorité d’entre eux proviennent de pays en guerre ou en proie à de violents conflits, de sorte qu’ils obtiennent rapidement le statut de réfugié. Ceci signifie qu’ils seront – et sont déjà – beaucoup plus nombreux qu’auparavant à devoir sortir des structures d’accueil et cela, très rapidement (parfois trois semaines après leur arrivée en Belgique), sans avoir pu se préparer à leur installation et à leur insertion dans le pays. Les CPAS se retrouvent donc seuls devant un défi considérable : accompagner vers le logement et l’intégration un nombre considérable de réfugiés dont une majorité ne parlent pas français ni néerlandais et dont les vulnérabilités propres à l’exil exigent une approche personnalisée et qualitative. Les fédérations des CPAS ont déjà largement manifesté leur inquiétude et leur besoin de soutien.

Dans un tel contexte, il nous semble totalement paradoxal et absurde de se passer de l’aide, complémentaire, des associations spécialisées qui pratiquent depuis des années ce type d’accompagnement.

Comment évoluer ?

L’apport des associations est quantitatif, en ceci que leur capacité à trouver des centaines de logements chaque année permet de libérer autant de places d’accueil pour des demandeurs d’asile et d’éviter à autant de personnes de se retrouver à la rue. Elles ont développé pour ce faire des liens privilégiés avec des propriétaires et autres partenaires, des outils spécifiques (comme un fonds de prêts pour garantie locative), ainsi qu’une capacité à mobiliser la société civile en temps de crise comme aujourd’hui.

L’apport des associations est aussi qualitatif dans leur capacité à accompagner et mettre en place des relais adaptés pour les réfugiés les plus fragiles, souffrant de traumatises et de problèmes de santé importants, les mères seules avec enfants non alphabétisées, les mineurs non accompagnés… Là aussi, il y a toute une expérience qui ne peut se perdre et qui vient renforcer le travail des services publics généraux (CPAS, institutions de formation et d’emploi…).

Il y a également aujourd’hui un formidable élan de solidarité avec les réfugiés de la part des citoyens belges. Les associations jouent un rôle privilégié et naturel pour accompagner et encadrer ces mobilisations citoyennes (bénévolat, dons matériels, mise à disposition de logements…). Mais elles ne peuvent le faire qu’en s’appuyant sur leurs services et pratiques professionnelles qui doivent être financés. On ne remplace pas un accompagnement professionnel spécialisé par le bénévolat. Ici encore, il doit être question de complémentarité.

Au regard de cette situation, il est urgent que les différents niveaux de pouvoirs se mettent autour de la table pour réévaluer le financement des associations spécialisées dans l’accompagnement des réfugiés. Dans le contexte actuel, aucune énergie ne peut être gaspillée et toutes les bonnes volontés doivent se rejoindre : un travail complémentaire entre les communes, les associations et les initiatives citoyennes a toute sa place et tout son sens. Il faut s’en donner les moyens !

Contact:

Malou Gay, co-directrice du CIRÉ

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