Deux mois après les attaques terroristes perpétrées par le Hamas contre Israël ayant coûté la vie de 1.200 Israélien·nes, la réponse militaire d’Israël et l’escalade vertigineuse de violences dans la bande de Gaza sont effroyables. Les Palestinien·nes de Gaza sont privé·es d’accès à leurs besoins les plus élémentaires et les bombardements indiscriminés et quasi incessants à Gaza ont déjà coûté la vie à plus de 15.000 personnes – dont une majorité de femmes et d’enfants. En tout, 1,8 million de personnes ont été forcées de se déplacer.
Depuis des semaines, à côté des nombreuses ONG présentes sur place, le Secrétaire général et les agences de l’ONU tirent la sonnette d’alarme.
En Belgique aussi, cette crise a des lourdes conséquences, comme nous le constatons tous les jours avec les Palestinien·nes que nous rencontrons, qui ont souvent perdu des membres de leur famille et se retrouvent dans une grande détresse.
Dans ce contexte cauchemardesque, il semble incompréhensible voire assez cynique que l’État belge, à tous les niveaux de pouvoir, ne fasse pas à l’heure actuelle tout ce qui est en son pouvoir pour aider et protéger les civil·es palestinien·nes qui ont un lien avec la Belgique et celles et ceux qui se trouvent en Belgique et qui y ont demandé l’asile. Il y a urgence.
Nous dénonçons notamment:
- L’absence de mesures d’évacuation
Les Palestinien·nes ayant un droit de séjour en Belgique et qui sont bloqué·es temporairement à Gaza ou ayant obtenu un visa sans avoir pu quitter Gaza ne semblent pas avoir de perspective d’évacuation.
Alors que les autorités belges s’efforcent de faire sortir de Gaza les Belges et leur famille, il n’est toujours pas clair à ce jour si ces Palestinien·nes pourraient être également assisté·es par les autorités belges et figurer sur les listes d’évacuation.
- La difficulté à obtenir un visa
Les Palestinien·nes de Gaza qui cherchent à rejoindre un·e membre de leur famille en Belgique n’ont pas la possibilité d’introduire une demande de visa de regroupement familial sur place. Si certain·es membres de famille peuvent théoriquement s’adresser au poste diplomatique de Jerusalem via une demande par e-mail, il est à craindre qu’en pratique, cela soit très compliqué. Quant aux demandes de visas humanitaires, elles ne peuvent pas être introduites à distance et sont donc impossible à introduire.
Pour les demandes de visa déjà introduites par des personnes originaires de Gaza, l’Office des étrangers indique les traiter prioritairement, ce qui ne signifie pas qu’il les traitera plus favorablement et avec souplesse. De plus, même avec une décision positive, les personnes sur place n’ont aucune solution pour quitter Gaza.
- Le non-accueil de ce public en besoin de protection
Beaucoup de demandeurs d’asile palestiniens sont des hommes seuls, laissés à la rue pendant des mois pendant leur procédure d’asile du fait de la politique de non-accueil mise en place depuis deux ans par le gouvernement fédéral. D’autres arrivent à la frontière et se voient détenir en centres fermés pendant plusieurs semaines alors qu’elles demandent la protection internationale. Ces conditions de non-accueil ou de détention engendrent une forte dégradation de leur santé mentale, comme l’a récemment rappelé le service de santé mentale Ulysse.
- Le gel partiel du traitement des demandes d’asile
La plupart des demandeur·euses de protection palestinien·nes sont enregistré·es auprès de l’UNRWA (Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens) et constituent un groupe particulier, en étant déjà reconnu·es comme réfugié·es par la communauté internationale.
Au vu des circonstances et sur base de la Convention de Genève et des recommandations du HCR (l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés), iels devraient dès lors pouvoir bénéficier du statut de réfugié·e.
Pourtant, le 20 octobre dernier, le CGRA (Commissariat Général aux réfugiés et aux apatrides) a annoncé geler certaines décisions (négatives) pour les dossiers palestiniens jusqu’à ce que l’instance d’asile dispose “d’informations objectives suffisantes pour évaluer avec précision la situation en matière de sécurité dans les Territoires palestiniens”. À l’heure d’écrire ces lignes, le gel n’a toujours pas été levé, et ce, malgré l’impact néfaste sur la santé des demandeur·euses de protection, mais aussi sur leur capacité à pouvoir poursuivre adéquatement leur procédure d’asile.
- La pratique abusive de l’Office des étrangers
Depuis août dernier, l’Office des étrangers incite certaines communes du pays à retirer la nationalité belge à des enfants nés en Belgique de parents palestiniens. L’Office des étrangers considère que ces enfants ne sont pas sans nationalité et que des Palestinien·nes se rendent en Belgique uniquement pour avoir des enfants en vue d’acquérir la nationalité belge et de pouvoir ensuite bénéficier du regroupement familial.
Cette pratique est non seulement abjecte vu le contexte actuel mais est également abusive puisque l’Office des étrangers intervient alors qu’il n’a aucune compétence en matière de nationalité et qu’il s’agit d’une compétence communale ! Elle porte aussi atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant et leur droit à avoir une nationalité, ce qui peut avoir de lourdes conséquences sur leur droit au séjour et celui de leurs parents.
Face à ces constats alarmants, nos organisations appellent les autorités belges à savoir le Gouvernement fédéral dans son ensemble, les Affaires étrangères, l’Office des étrangers, les instances d’asile et les communes, à prendre des mesures urgentes pour protéger les Palestinien·nes:
- Assister et évacuer les Palestinien·nes ayant un droit de séjour en Belgique ou un visa pour la Belgique
- Faciliter les demandes de visa des personnes originaires de Gaza, et les traiter avec souplesse
- Mettre fin dès aujourd’hui au gel partiel du traitement des demandes d’asile des Palestinien·nes et accorder largement le statut de réfugié·e
- Mettre fin immédiatement à la pratique abusive de retrait de nationalité et ne pas retirer la nationalité belge accordée à des enfants de Palestinien·nes nés en Belgique.
Les autorités belges et les instances d’asile ont un rôle à jouer dans cette grave crise et les moyens mis en place par la Belgique doivent être à la hauteur de la détresse et du besoin de protection de ces personnes.
Les signataires
- ADDE
- Aide aux personnes Déplacées asbl
- Andrea Rea, président du CA du CIRÉ
- Anne Herscovici, ex-présidente du CA du CIRÉ
- BelRefugees, Plateforme Citoyenne
- BePax
- Cap Migrants
- CNCD 11.11.11
- CSC Bruxelles
- Défense des Enfants International – Belgique
- DISCRI
- Les Equipes Populaires
- Ligue des Droits humains
- MOC
- Le Monde des Possibles
- MRAX
- L’Olivier 1996
- Mouvement Présence et Action Culturelles (PAC)
- Point d’Appui asbl
- Service Social des Solidarités
- Solidarités Etudiants du Monde
- Vie Féminine