Il y a quelques jours, Fedasil avait retiré in extremis des instructions illégales qui excluaient de l’accueil certaines catégories de demandeuses et demandeurs d’asile et que nous attaquions devant le Conseil d’État. Aujourd’hui, le Tribunal de Première Instance, saisi par nos associations, reconnait que le droit d’accueil des demandeurs d’asile, qui doivent maintenant s’enregistrer en ligne pour obtenir un rendez-vous à l’Office des Étrangers, est bafoué.
Suite aux mesures sanitaires liées au COVID-19, les personnes qui ont besoin de protection internationale en Belgique doivent, depuis avril, s’enregistrer en ligne puis attendre que l’Office des Étrangers (OE) leur fixe un rendez-vous. Entre les deux, pas d’accueil. Toutes ces personnes y ont pourtant droit. En pratique, le délai d’attente de ce rendez-vous varie de quelques jours à des semaines, voire des mois pour certains. Des familles avec de jeunes enfants, des femmes seules, des hommes avec des traumatismes lourds se retrouvent à la rue, dans une précarité totale et au mépris des règles de santé publique qui prévalent en ces temps de pandémie. Cette situation est inacceptable d’un point de vue humanitaire et sanitaire. Elle est également illégale. Le droit européen et la loi belge sur l’accueil prévoient en effet que les personnes demandeuses d’asile ont droit à l’accueil dès la présentation de leur demande de protection internationale. Même si la présentation “spontanée” et “physique” au centre d’arrivée n’est plus possible, l’introduction d’un formulaire en ligne signifie clairement la volonté de demander une protection internationale à la Belgique.
Fedasil a d’ailleurs été condamné plusieurs centaines de fois par le Tribunal du travail ces derniers mois …
… et contraint, sous peine d’astreintes, à accueillir immédiatement les personnes en attente d’un rendez-vous à l’OE. Selon les juges: “Le fait que la personne n’ait pas encore été enregistrée et qu’il n’y ait pas d’annexe 26 est dû à des raisons organisationnelles spécifiques au fonctionnement adapté de l’OE suite aux mesures sanitaires, qui ne peuvent être répercutées sur la personne elle-même. Il est clair qu’il s’agit de demandeurs d’asile qui, sur la base des articles 3 et 6 de la loi sur l’accueil, ont droit à un accueil adapté et digne pendant toute la procédure d’asile“.
Dès le début de la crise sanitaire, nous avons interpelé l’ancienne Secrétaire d’État à l’asile et à la migration, Fedasil et l’OE à de nombreuses reprises, sans jamais recevoir de réponse. Nous avons mis l’État en demeure de trouver des solutions d’hébergement et d’accompagnement sociojuridique. In extremis, nous avons alors été reçus par l’ancienne secrétaire d’État, mais aucune mesure n’a été proposée. Le système mis en place permet en réalité aux autorités de limiter le nombre de demandes d’asile introduites par jour – et donc d’instaurer des quotas implicites -, en fonction de la capacité du personnel de l’OE et de celle de Fedasil. Nous l’avons dit, écrit, répété: la mise sous pression du réseau d’accueil est la conséquence de la mauvaise gestion du Secrétariat à l’asile et à la migration, les demandeuses et demandeurs de protection n’ont pas à en payer le prix.
Nous exigeons que l’État mette fin sans tarder à ce dispositif dont l’illégalité a été reconnue et que des solutions soient immédiatement proposées aux personnes demandeuses d’asile qui introduisent le formulaire en ligne.
La Belgique doit mener une politique d’accueil qui respecte le droit européen et la loi belge. Persister dans des pratiques illégales est indigne, tant envers les personnes exilées qui cherchent une protection internationale qu’envers les citoyennes et citoyens de ce pays, qui voient des instances censées les représenter, violer des règles de droits fondamentaux.
Signataires
- CIRÉ
- ADDE (Association pour le droit des étrangers)
- Avocats.be
- CAW Brussel
- Ligue des droits humains
- NANSEN
- ORBIT vzw
- Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés
- Service droit des jeunes de Bruxelles
- Vluchtelingenwerk Vlaanderen
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