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Union européenne 1996-2008: des régularisations qui ne disent pas leur nom

Entre 1996 et 2008, environ 3.555.000 personnes ont été régularisées au sein de l’union européenne. Moins d’un dixième (305.000) en vertu de dispositifs permanents (comme l’ancien article 9§3 en Belgique). Le reste est le résultat de campagnes ponctuelles. Une Étude publiée en 2009 en fait le bilan.

En décembre 2007, la Commission européenne commandait à l’International Centre for Migration Policy Development une étude relative aux pratiques de régularisation des États membres de l’Union européenne1. Cette étude, parue en 2009, avait pour objectif de faire un état de lieux des pratiques de régularisation des 27 États membres. Mais cette étude est également l’occasion de poser la question des liens entre pratiques de régularisation et politique migratoire et d’étudier le rôle et la position des différents acteurs (États, institutions européennes, organisations internationales, unions commerciales, organisations d’em­ployeurs et ONG) en matière de régularisation.

Des programmes et des mécanismes de régularisation

L’étude distingue clairement les programmes de régularisation des mécanismes de régularisation. Les programmes sont des procédures particulières ne faisant pas partie de la politique migratoire régulière, établies pour une période limitée et visant des catégories spécifiques de personnes en situation irrégulière tandis que les mécanismes sont organisés à plus long terme, voire permanents.

Entre 1996 et 2007, 42 programmes de régularisation ont ainsi été mis en œuvre et un peu moins de 4,2 millions de personnes ont demandé une régularisation dans 17 États membres de l’Union. Selon les chiffres très lacunaires des décisions, 2,9 millions de personnes auraient obtenu un titre de séjour.

Les données relatives aux mécanismes de régularisation ont en revanche été plus difficiles à récolter. Depuis 2001, on estime à 305.000, le nombre de personnes ayant obtenu une régularisation sur cette base dans 11 pays (Autriche, Belgique, Danemark, France, Finlande, Allemagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Pologne, Slovaquie).

Diversité des conceptions et des politiques de régularisation

Des raisons très différentes expliquent la présence de personnes en séjour irrégulier sur le territoire de l’Union européenne. L’immigration illégale, étroitement liée à la politique migratoire, ne résulte pas d’une seule logique et une seule logique de réponse ne peut être adoptée. Les États membres de l’Union europé­enne présentent ainsi des profils très différents en matière de politiques de régularisation qui s’expliquent notamment par leurs différences en terme de structures du marché du travail, d’évolution de la migration, de politiques d’asile et de voies de migration légale.

Dans des États comme la Belgique, le Danemark, la Finlande, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède, la régularisation est davantage accordée pour motifs humanitaires et est étroitement liée au système d’asile et en particulier à la protection subsidiaire et temporaire. Ces États ont, pour la plupart, mis en place des programmes de régularisation à plus ou moins grande échelle au cours de la dernière décennie (sauf la Finlande) et ont développé des mécanismes de régularisation (sauf les Pays-Bas). Dans ces États, la régularisation apparaît plus comme une forme complémentaire de protection que comme une réponse à l’immigration illégale.

Nouveaux États membres : certains régularisent, d’autres pas

L’Estonie, la Hongrie, la Lituanie, la Pologne et la Slovaquie, ont pour la plupart développé des programmes de régularisation et tous ont mis en œuvre des mécanismes. Au regard de leur population, ces États régularisent peu. La plupart de ces régularisations ont en réalité fait suite aux changements post-soviétiques.

D’autres, en revanche, parmi les nouveaux États membres, ne régularisent pas. C’est le cas de la Bulgarie, de Chypre, de la République tchèque, de la Lettonie, de Malte, de la Roumanie et de la Slovénie. Ces États ne comptent pas beaucoup de personnes en séjour illégal (sauf Chypre et la République tchèque), n’ont jamais eu de programmes de régularisation et n’ont pas de mécanismes de régularisation qui fonctionnent.

La France et la Grande-Bretagne, “régularisateurs hésitants”

La France et la Grande-Bretagne, qui figurent parmi les plus vieux pays d’immigration, sont envisagées par l’étude comme des “régularisateurs hésitants”. Ces deux pays se caractérisent notamment par le fait qu’ils envisagent la régularisation comme un instrument politique, qu’ils ont développé des mécanismes de régularisation sophistiqués, mais qui manquent de transparence. Leur système d’asile est à l’origine du nombre de personnes en séjour irrégulier et l’une des réponses politiques qu’ils envisagent est le retour forcé des demandeurs d’asile déboutés.

L’Allemagne et l’Autriche, “opposants idéologiques” à la régularisation

L’Autriche et l’Allemagne sont envisagées par l’étude comme des “opposants idéologiques à la régularisation”. Bien que ces États aient mis en œuvre des mécanismes de régularisation et que le nombre de personnes en séjour irrégulier y ait diminué suite à l’élargissement de l’Union européenne, ils sont opposés à la régularisation comme instrument politique. Dans ces deux États, le système d’asile est à l’origine de l’apparition de personnes en séjour irrégulier et la régularisation est considérée comme un incitant à l’immigration illégale (point de vue d’ailleurs partagé par la France, la Belgique et sans doute la Grande-Bretagne).

À côté, il y a les États du sud de l’Union européenne comme la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal. L’étude constate que la régularisation y est étroitement liée à la politique d’immigration et à la gestion du marché du travail.

Des motifs de régularisation très divers

Concernant les motifs de régularisation, l’étude constate que les pays nordiques (Belgique, Luxembourg, Pays‑Bas) se basent surtout sur des motifs humanitaires contrairement aux pays du sud de l’Europe qui se basent sur la gestion du marché du travail et la lutte contre l’économie informelle. Les raisons familiales constituent également un motif important de régularisation, en particulier en France, en Belgique et en Suède.

Certains États sont plus touchés que d’autres par l’immigration irrégulière. Ainsi, certains pays sont très hautement touchés (Chypre, Grèce), d’autres sont hautement touchés (Espagne, Italie, Portugal, Belgique, Hongrie, Royaume-Uni), d’autres encore ne sont que moyennement touchés (Pays-Bas, Luxembourg, Estonie, France, Autriche, Suède). Il est cependant très difficile de déterminer si la tendance d’un État à régulariser est susceptible d’engendrer une augmentation du nombre de personnes en séjour irrégulier sur son territoire. Chypre, par exemple, n’a jamais mis de programme de régularisation en œuvre et parmi les États hautement touchés, la plupart a mis en œuvre des programmes et des mécanismes avant 1996.

La plupart des textes européens auxquels on peut relier la régularisation sont ceux relatifs à l’immigration illégale. Les États membres ne sont généralement pas partisans d’une implication ou d’une réglementation plus fortes de l’Union européenne en la matière. En revanche, la plupart sont favorables à l’identification de bonnes pratiques et à l’échange d’informations au niveau européen.

Une étude et des recommandations

Face à ces constats, l’étude fait une série de recommandations dont certaines à destination de la Commission européenne. Bien que ne comportant pas de dispositions spécifiques en matière de régularisation, la législation européenne contient différents principes auxquels on peut lier la régularisation ou sur base desquels une politique européenne de régularisation pourrait être construite. Il s’agit principalement de textes relatifs à l’immigration illégale et en particulier de communications de la Commission. C’est d’ailleurs dans l’une de ces communications (en juillet 2006) sur les priorités en matière de lutte contre l’immigration illégale que l’étude présentée ici avait été annoncée avec l’objectif d’éclairer la politique de l’Union européenne sur les différentes questions liées à la régularisation.

Ainsi, l’étude recommande notamment le développement de principes et de normes de référence pour les programmes et mécanismes de régularisation, l’élaboration de standards minimums pour l’octroi d’un titre de séjour aux personnes en séjour illégal, l’évaluation systématique de l’impact de ces politiques en général et sur les autres États membres et l’amélioration de l’information statistique.

Des améliorations portant davantage sur la politique migratoire européenne sont également recommandées comme la facilitation de l’accès au statut de résident longue durée, le renforcement du droit au regroupement familial, l’élaboration de dispositions concernant les personnes inéloignables ou encore la révision des pratiques en matière d’asile et l’élaboration de procédures garantissant un accès égal à la protection internationale sur le territoire de l’Union. 

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