Plus de 23.000 places d’accueil. Jamais, la capacité d’hébergement pour demandeurs d’asile n’a été si importante en Belgique. Dans un contexte d’augmentation des arrivées et de diminution des sorties, Fedasil et ses partenaires ont multiplié en quelques années les places disponibles. Coup d’œil sur le réseau d’accueil.
En 2007, parallèlement à la réforme de la procédure d’asile, la Belgique se dote d’un cadre légal uniforme et ambitieux pour l’accueil des demandeurs d’asile. Cette loi “Accueil” consacre le principe de l’aide matérielle tout au long de l’examen de la demande d’asile. Elle consacre également le rôle central de Fedasil, l’agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile.
Fedasil, ses partenaires et la “crise de l’accueil”.
C’est Fedasil qui organise l’ensemble des places d’accueil. L’agence gère directement 19% de la capacité totale (18 centres fédéraux ouverts) et confie une partie de la mission d’accueil à des partenaires via des conventions spécifiques. La contribution des partenaires est la suivante: 36% des places sont gérées par des CPAS (les initiatives locales d’accueil – ILA), 20% par la Croix-Rouge et la Rode Kruis, 9,5% par les ONG partenaires (CIRÉ et Vluchtelingenwerk Vlaanderen) et 0,5% par les Mutualités socialistes. Les structures d’accueil d’urgence représentent les 15% restants.
Concrètement, tout étranger qui vient déposer une demande d’asile en Belgique (généralement dans les bâtiments de l’Office des étrangers à Bruxelles) se rend ensuite au service dispatching de Fedasil qui lui attribue, le jour même, un lieu d’hébergement où il bénéficiera de l’aide matérielle.
Le choix de la structure d’accueil s’opère en fonction du profil du demandeur d’asile et, surtout, selon les places disponibles ce jour-là.
Le demandeur d’asile n’est pas obligé de séjourner dans la structure qui lui a été désignée, même si la grande majorité le fait. S’il décide de ne pas y résider (parce qu’il a de la famille ou des connaissances en Belgique), il perd le droit à l’aide matérielle, sauf l’aide médicale garantie à tous.
Avec la “crise de l’accueil”, des mesures ont été prises pour augmenter la capacité d’accueil. Des places d’urgence ont notamment été créées et, actuellement, dès leur arrivée, les demandeurs d’asile y sont d’abord envoyés pour une période transitoire de maximum 10 semaines, avant d’être transférés vers le réseau “structurel”. Dans ce contexte, le système d’accueil en deux étapes tel que prévu par la loi est difficile à appliquer. Les transferts des logements collectifs vers les logements individuels sont limités et les centres d’accueil fonctionnent avec des listes d’attente de candidats pour un logement individuel.
Les centres communautaires: vivre ensemble
On compte plus d’une cinquantaine de centres d’accueil pour demandeurs d’asile. Répartis sur l’ensemble du territoire, ils sont gérés par Fedasil, la Croix-Rouge ou les Mutualités socialistes. Ce sont des centres “ouverts”: les résidents ont toute liberté de mouvement, dans le respect du règlement d’ordre intérieur. Les centres se distinguent par leurs infrastructures (d’anciens sites militaires, internats ou centres de vacances, transformés en centres d’accueil), par leur taille (50 places pour les petits centres, plus de 800 places au Petit-Château) et leur environnement (à la ville ou à la campagne), mais ils offrent tous un même ensemble de services.
Un centre d’accueil, c’est une multitude de nationalités et autant de cultures qui vivent ensemble sous un même toit. Il y a des familles, des femmes et des hommes isolés. Les familles logent dans un même espace alors que les personnes isolées doivent partager une chambre commune. Vivre en communauté est donc une caractéristique importante du quotidien en centre d’accueil. Le règlement d’ordre intérieur, disponible en plusieurs langues, explique les droits des résidents, les règles à respecter afin de permettre de combiner un minimum de vie privée avec l’environnement communautaire. Un résident sur trois est mineur d’âge. Comme tous les jeunes en Belgique, ils sont sou- mis à l’obligation scolaire et se rendent dans une école proche de leur lieu de résidence.
L’accompagnement
Le centre se charge des besoins de base (hébergement, nourriture, habille- ment) mais offre également un accompagnement social, juridique et administratif. Dès qu’un demandeur d’asile arrive dans le centre qui lui a été désigné, on lui indique un travailleur social de référence qui va l’accompagner tout au long de son séjour. Le jour de son arrivée, ou au plus tard le lendemain, le demandeur d’asile a un rendez-vous avec son assistant social. Une aide juridique est bien entendu prévue: chaque demandeur d’asile dis- pose d’un avocat qui l’aide dans sa procédure. Le plus souvent, le centre prend contact avec un bureau d’aide juridique pour trouver un avocat “pro deo”. Le demandeur d’asile et son avocat peuvent se rencontrer dans le centre d’accueil si c’est nécessaire. Les centres d’accueil ont également des conventions avec des services d’interprétariat social.
Chaque centre d’accueil dispose de son service médical, généralement composé d’infirmières pour la permanence et d’un médecin pour les consultations. Les nouveaux venus font l’objet d’un contrôle médical. Si nécessaire, le médecin peut envoyer les personnes vers un spécia- liste externe (dentiste, kiné, ophtalmo- logue…). Les résidents qui rencontrent des problèmes psychologiques sont également envoyés vers un service médical externe.
Attendre une réponse…
Pour ceux qui y résident, le séjour en centre d’accueil est synonyme d’attente d’une décision quant à leur procé- dure d’asile. Des animations sont prévues pour passer le temps. Des formations sont aussi organisées pour rendre le séjour un peu plus utile, souvent avec l’aide de bénévoles. Les résidents peuvent également donner un coup de main dans le cadre des “services communautaires”, ce qui leur apporte un complément d’argent de poche.
Depuis 2010, les demandeurs d’asile peuvent travailler sous certaines conditions. Les demandeurs d’asile concernés sont ceux qui, six mois après l’introduction de leur demande d’asile, n’ont toujours pas reçu de décision du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA). Un permis de travail C leur est accordé jusqu’à la décision du CGRA ou, en cas de recours, jusqu’à ce qu’une décision soit notifiée par le Conseil du contentieux des étrangers. Afin de régler le cumul entre l’accueil (l’aide matérielle) et les revenus professionnels, un mécanisme de contribution financière a été mis en place pour les demandeurs d’asile qui travaillent. S’ils disposent d’une situation professionnelle stable et d’une sécurité au niveau de leurs revenus, les résidents concernés peuvent quitter la structure d’accueil.
Les logements individuels
Une bonne moitié des places disponibles pour l’accueil des demandeurs d’asile sont des logements individuels, généralement un studio ou un appartement meublé, équipé de telle sorte que le résident puisse subvenir à ses be- soins quotidiens. Un grand nombre de CPAS organisent à cet effet des “Initiatives locales d’ac- cueil” (ILA). Des ONG, organisées autour du CIRÉ et de Vluchtelingenwerk, proposent également ce type de logement. Autonomes quant au choix des logements, les associations prennent en charge le loyer et octroient une aide permettant aux demandeurs d’asile d’assurer leur quotidien. L’aide matérielle qui est proposée est la même que dans les centres collectifs, même si son organisation est différente. Pour se nourrir, par exemple, les demandeurs d’asile reçoivent les aliments qu’ils peuvent cuisiner eux-mêmes ou des chèques-repas, plutôt que de se rendre dans un réfectoire collectif comme c’est le cas dans les centres d’accueil.
L’accueil d’urgence
Dans le contexte de saturation du réseau d’accueil, un grand nombre de “centres d’urgence” ont été mis en place depuis 2010. Ce sont notamment les casernes organisées par la Croix-Rouge à Bastogne et à Bierset, le centre de Borzée (Fedasil) ou celui du SAMU social à Ixelles. On n’y retrouve pas l’ensemble des services propo- sés dans les centres traditionnels. Par exemple, les enfants ne sont pas scolarisés. En revanche, la procédure d’asile commence dès l’accueil d’urgence et un accompagnement social est proposé aux résidents. Plus de 3000 personnes y sont actuellement provisoirement hébergées, le temps qu’une place se libère dans le réseau traditionnel.
Depuis 2009, des demandeurs d’asile sont hébergés dans des hôtels à bas prix, principalement situés à Bruxelles. Ils étaient encore plus de 1.200 personnes au début 2011, mais l’objectif du gouvernement (et de Fedasil) est de mettre fin à cet accueil. Début avril, on comptait encore 370 personnes à l’hôtel.
S’il y a davantage de places d’accueil, il y a aussi davantage de per-sonnes à accueillir. Le taux d’occupation dans l’ensemble des structures d’accueil est proche des 100%. L’arriéré important dans le traitement des de- mandes d’asile a un impact négatif sur le nombre de sorties. En 2010, la durée du séjour des personnes accueillies dans le réseau d’accueil est estimée à 13,1 mois. Afin d’accélérer le traite- ment des dossiers, les instances d’asile ont reçu fin 2010 des crédits pour engager du personnel supplémentaire. Il faut toutefois attendre pour voir les effets de cette mesure, surtout si les arrivées connaissent une nouvelle hausse comme on a pu l’observer début 2011.
Étant donné que l’extension du ré-seau ne peut apporter à elle seule toutes les solutions à la crise de l’accueil, Fedasil a proposé différentes mesures pour stimuler les sorties du réseau. Fedasil plaide notamment pour le passage à l’aide financière d’un groupe de résidents, via le retour d’un plan de répartition des demandeurs d’asile entre les différents CPAS du pays. Cette possibilité existe depuis la modification de la loi “Accueil” adoptée fin 2009, mais, comme le précise la loi, sa mise en place nécessite l’accord du Conseil des ministres. Actuellement, il n’y a pas de consensus politique en ce sens.