Réfugiés rwandais en Belgique: que faire des génocidaires

Après le génocide, plusieurs milliers de Rwandais sont arrivés en Belgique. Parmi eux, des personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide. Des dossiers complexes pour les instances d’asile qui n’hésitent pas à jouer les prolongations.

C’était en 2011. Cinq Rwandais étaient placés sous mandat d’arrêt à Bruxelles pour des faits qui remontent à 1994. “Il existe 36 personnes suspectées d’avoir participé au génocide qui résident actuellement sur notre territoire“, détaille Philippe Meire, procureur fédéral adjoint en charge de la cellule “Rwanda”. “Parmi elles, 26 font l’objet d’une information judiciaire et 10 d’une instruction“. Quatre dossiers impliquant au total sept individus sont examinés par le parquet fédéral en vue d’un renvoi éventuel devant la Cour d’assises.

Une histoire commune

Dans les années qui ont suivi le génocide, de nombreux Rwandais ont fui leur pays et sont arrivés en Belgique. Selon le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), le Rwanda faisait partie, entre 1995 et 2005, du top 5 des nationalités des pays d’origine des demandeurs d’asile. En 20 ans, plus de 10.000 Rwandais ont introduit une demande auprès du CGRA. La moitié d’entre eux ont obtenu un statut de réfugié. D’autres ont rejoint des membres de leur famille en Belgique via un regroupement familial ou ont obtenu un statut de séjour pour cause de “procédure d’asile déraisonnablement longue”. Mais quelles que soient les procédures, des vérifications ont lieu. Philippe Meire le confirme: “Les contacts entre le parquet et les instances d’asile ou de séjour se sont multipliés ces dernières années“.

En 20 ans, plus de 10 000 Rwandais ont introduit une demande d’asile auprès du CGRA. La moitié d’entre eux ont obtenu un statut de réfugié

Les dossiers de Rwandais, Charles N’Tampaka les connaît bien. Arrivé en Belgique trois mois après le génocide, il a lui-même été reconnu réfugié. Aujourd’hui avocat à Bruxelles, il s’est spécialisé dans ce type de dossier. Pour lui, la Belgique est sans doute l’un des pays au monde qui connaît le mieux le Rwanda. “Nous avons une histoire commune. Nous disposons d’une ambassade à Kigali. Des Belges sont en contact permanent avec des Rwandais à cause de l’importante diaspora présente en Belgique“. Mais avec l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure en 2006, le traitement des demandes d’asile a changé. “Il n’y a plus qu’une phase, les délais sont de plus en plus courts. Les demandeurs d’asile n’ont pas le temps de rassembler les preuves matérielles pour appuyer leur récit“.

Clause d’exclusion

Dans des dossiers aussi complexes, inévitablement se pose la question des moyens mis en œuvre et des sources d’information. Et là, attention prudence! Sur les “listes de génocidaires” qui circulent depuis plusieurs années figurent les noms de personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide. Mais pas uniquement, puisqu’on retrouverait sur ces listes des Rwandais qui n’ont rien à se reprocher ou d’anciens opposants politiques. “Des demandeurs d’asile accusés à tort d’avoir participé au génocide ont été exclus de l’asile parce que leur nom se trouvait sur cette liste“, déplore Charles N’Tampaka. Dans ces cas-là, les instances d’asile peuvent prendre une décision d’exclusion, quand elles estiment avoir “des raisons sérieuses de penser qu’une personne a commis des crimes contre l’humanité ou qu’elle s’est rendue coupable d’agissement contraire aux buts et aux principes des Nations unies”.

L’asile entre parenthèses

Ce qui frappe dans certains dossiers rwandais, c’est la longueur des procédures. Les demandes d’asile ont été introduites parfois il y a plus de 10 ans. “Dans un premier temps, le CGRA avait plutôt tendance à considérer que toute personne qui exerçait une autorité – bourgmestre, préfet, officier de l’armée – ne pouvait pas ne pas avoir participé au génocide“. Mais au fil du temps, avec les acquittements prononcés au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ou même en France, on s’est rendu compte que ce n’est pas parce que quelqu’un exerçait une fonction officielle qu’il était nécessairement impliqué. Le cas typique est celui d’Augustin Ndindiliyimana qui, après 10 années d’attente, et un procès au TPIR, vient d’être acquitté en appel. Qu’en est-il des autres dossiers en attente ? Charles N’Tampaka soupire: “J’ai encore quelqu’un qui vient d’être reconnu réfugié après 14 années de procédure. Et je sais qu’il y en a d’autres dans ce cas-là. On connaît leur situation mais on ne fait rien. On se dit sans doute qu’il faut laisser retomber la poussière, que le temps permettra de régler les choses“.

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