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Quelques statuts: les travailleurs détachés

Le détachement1 découle du droit à la libre prestation des services consacré par l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union (TFUE). Il s’agit notamment du droit pour un prestataire de service établi dans l’UE de détacher temporairement des travailleurs dans un autre État membre pour y prester un service.

Une entreprise établie en France a ainsi le droit de détacher des travailleurs, quelle que soit leur nationalité, pour prester un service en Belgique à condition qu’ils soient affiliés préalablement au système de sécurité sociale français2. L’autorité du pays d’établissement de la société délivre un certificat “E101” pour démontrer la réalité de cet assujettissement. Ces travailleurs ne sont donc pas assujettis à la sécurité sociale du pays dans lequel le service est presté.

Cependant, si un État membre prévoit dans son droit du travail des conditions minimales, elles doivent également s’appliquer aux travailleurs détachés dans cet État (périodes maximales de travail et de repos, congés payés annuels minimums, conditions minimales de rémunération, égalité de traitement…)3.

Les travailleurs détachés peuvent être citoyens européens ou ressortissants de pays tiers. Ces derniers sont dispensés de l’obligation d’obtenir un permis de travail si leur séjour et leur contrat de travail sont réguliers dans l’État d’origine4.

Les travailleurs indépendants peuvent également être détachés, voire “s’auto-détacher” tout en restant soumis à la réglementation sociale de leur pays d’origine5, ce qui relance la question de la fausse indépendance6.

Les chiffres

La Belgique a instauré une obligation générale de déclarer préalablement tous les travailleurs détachés en Belgique7: la déclaration Limosa. Selon le rapport annuel de l’ONSS, pour l’année 2010, 258 017 déclarations Limosa ont été effectuées, principalement par des entreprises établies aux Pays-Bas (24%), en Pologne (15%), en Allemagne (14%), en France (12%) et en Roumanie (7%)8.

Les abus

Le risque de dumping social et de concurrence déloyale est évident lorsqu’une entreprise établie dans un pays où les coûts salariaux sont faibles (et le système de sécurité sociale peu protecteur) opère un détachement dans un pays où ces coûts sont élevés.

Il est particulièrement difficile de contrôler la réalité de l’assujettissement du travailleur au système de sécurité sociale du pays d’origine, d’autant que la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE ne reconnaît pas à l’État d’accueil le pouvoir de contrôler la validité des certificats E101 et de requalifier un contrat d’indépendant en contrat salarié dans le cadre du détachement9.

Le détachement fournit donc un terrain propice pour des fraudes difficiles à détecter tant les mécanismes utilisés pour les couvrir sont complexes: longue chaîne de sous-traitants, sous-traitance par des bureaux d’intérim, fausse indépendance… 

Notes:
1 Plus d’infos: CECLR, La traite et le trafic des êtres humains, une apparence de légalité, Rapport annuel 2009, pp.70-93 ; CECLR, Migration, Rapport annuel 2010, pp.140-154.
2 Voir Règlement (CE) 883/2004 et Règlement 987/2009.
3 Art 3.1 de la Directive 1996/71/CE.
4 Art 2, 14° de l’AR du 9 juin 1999 portant exécution de la loi du 30 avril 1999.
5 Cf. note 1.
6 Voir ci-contre.
7 Art. 8 de la Loi du 5 mars 2002 transposant la directive 96/71 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996; articles 139 et 140 de la loi programme (I) du 27 décembre 2006.
8 ONSS, rapport annuel 2010, http://www.onssrapportannuel.be
9 CJUE, Affaire C-202/97 ; CJUE, Affaire C-178/97 ; CJUE, Affaire C-2/05.
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