Ces dernières années, la dissuasion et la coercition sont devenues les principes directeurs de la politique belge de retour. Cette approche a conduit à une augmentation significative du budget alloué à la politique d’éloignement, sans pour autant provoquer une hausse proportionnelle des retours effectifs. En 2023, 33057 personnes ont reçu une décision de retour et 4160 ont effectivement été éloignées, que ce soit de manière forcée ou dans un cadre présenté comme « volontaire ». Parmi ces éloignements, la majorité a été réalisée de façon forcée, tandis que les retours « volontaires » sont nettement moins nombreux : on dénombre 3383 retours forcés pour 777 retours « volontaires ».
C’est dans cette logique que s’inscrit la loi « Politique de retour proactive », votée par le Parlement fédéral en juillet 2024. Bien que l’accord de gouvernement promettait initialement de « miser davantage sur le retour volontaire », la loi actuelle met en place un « trajet d’accompagnement proactif » imposant des obligations de coopération démesurées aux personnes migrantes, des examens médicaux sous contrainte et une définition élargie du ‘risque de fuite’. En cela, la loi vient rendre plus floue la distinction entre retour volontaire et retour forcé, en mettant en place des mesures restrictives de liberté dans le cadre du retour volontaire.
De plus, cette loi permet la détention des familles avec enfants dans des « maisons de retour », contredisant ainsi la promesse d’éliminer la détention des enfants. Enfin, elle introduit le terme de « centre fermé » dans la législation, une terminologie trompeuse qui occulte la réalité de la détention administrative.
Ces évolutions législatives modifient significativement le cadre juridique belge en matière de retour et soulèvent des risques de violations des libertés individuelles. Plus précisément, la loi vient modifier deux législations distinctes: la loi du 15 décembre 1980 d’une part, la loi du 12 janvier 2007 d’autre part. Face à ces enjeux, le CIRÉ et la coalition Move analysent les amendements apportés à la législation de 1980, en excluant ceux relatifs à la loi du 12 janvier 2007, hors du mandat de la coalition. Cette analyse porte notamment sur:
- l’obligation de coopérer à l’organisation du refoulement, du transfert, du retour, ou de l’éloignement, en ce compris les examens médicaux aux fins de l’exécution forcée de la mesure de transfert, de refoulement, de retour ou d’éloignement
- le trajet d’accompagnement intensif dans le cadre d’une procédure de retour ou de transfert, assuré par l’Office des étrangers (OE)
- une liste des mesures préventives et des mesures moins coercitives
- la notion de « fuite » au sens de l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III
- la compétence pour la prise d’une décision de prolongation du délai de transfert vers l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale
- l’élargissement de l’offre d’escorteurs compétents
- l’interdiction de la détention de familles avec des enfants mineur·es dans des centres fermés, sauf dans des lieux d’hébergement
Cette analyse souligne l’insuffisance des garanties procédurales pour les migrant·es et les risques d’atteintes disproportionnées aux droits fondamentaux. Elle appelle à une réévaluation urgente du cadre législatif, afin de garantir le respect des normes internationales en matière de droits humains.