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Les Roms et le travail

Mendicité, trafic, ferraille, petit commerce… Les Roms travaillent-ils vraiment? Au-delà des clichés sur ces peuples1 de la débrouille se cachent quelques réalités sur leur relation au travail, que l’on retrouve en Europe de l’Est comme en Europe de l’Ouest.

La première réalité est celle de la différence et de la discrimination. Partout, c’est de cela que se nourrissent les relations des Roms avec les sociétés “dominantes”. La question du travail n’y échappe pas.

L’accès à la formation et à l’emploi

D’après un sondage réalisé en 2008 par l’Agence pour les Droits Fondamentaux de l’Union européenne (FRA) auprès de 3.500 Roms dans sept pays de l’Union européenne (Bulgarie, République tchèque, Grèce, Hongrie, Pologne, Roumanie et Slovaquie), les Roms ont un taux d’emploi de 10 à 15 points inférieur à la population locale2. Les raisons de cette forte différence se trouvent dans la mise à l’écart spatiale et sociale des Roms qui se traduit par un accès à l’école – et donc à la qualification professionnelle – restreint, ceci doublé d’une discrimination généralisée à l’embauche.

Tout commence à l’école. Les enfants roms sont peu, peu longtemps et parfois pas scolarisés du tout en Europe de l’Est. Une recherche du CEDR (Centre européen des droits des Roms) menée en 2005, montre que sur 60% des Roms interrogés dans le cadre d’une enquête réalisée dans cinq pays d’Europe de l’Est et qui avaient subi une discrimination en matière d’emploi, près de la moitié ont déclaré “qu’ils savaient que la raison de cette discrimination était qu’ils étaient Roms et que leur (potentiel) employeur le leur avait dit explicitement”.

Dans un rapport d’Amnesty International de 2010, on lit que les Roms sont confrontés à une discrimination non seulement de la part des employeurs, mais également des établissements publics de recherche d’emploi3.

Tout commence à l’école. Les enfants roms sont peu, peu longtemps et parfois pas scolarisés du tout en Europe de l’Est. La première raison est la pauvreté : il faut réunir des moyens pour acheter vêtements et fournitures scolaires, pour payer le transport et les repas. Ensuite, il y a le problème de la langue. Mais aussi celui du corps enseignant qui ne traite pas les enfants roms comme les autres. Si les enseignements sont parfois dispensés en romani, c’est que les classes sont séparées, voire que les écoles sont spécifiques pour les Roms, les maintenant à l’écart des populations dominantes. Dans certains pays comme la Slovaquie ou la République tchèque, la ségrégation a été organisée délibérément pendant des années par les autorités. La ségrégation spatiale est une difficulté supplémentaire. Ces phénomènes expliquent en partie que de nombreux Roms ont, depuis plusieurs années, pris la route pour trouver de meilleures conditions de vie en Europe de l’Ouest.

La situation en Belgique

Dans les pays d’Europe occidentale, la discrimination à l’embauche envers les Roms ne se pose pas de la même manière. D’abord, l’accès théorique au marché de l’emploi dépend de leur nationalité. En Belgique, les Roms belges sont en théorie traités comme les autres citoyens. Si les Roms ne sont pas Européens (notamment originaires des Balkans), ils sont soumis au droit commun des travailleurs étrangers et partagent avec eux les mêmes difficultés. Les Roms européens, quant à eux, peuvent rejoindre le marché du travail en Belgique au même titre que n’importe quel autre ressortissant communautaire. Seuls les Roumains et les Bulgares restent soumis à une restriction d’accès au marché de l’emploi sur la base d’une liste de métiers, et ce jusqu’au 31 décembre 2011.

À partir de 2012, leur condition va donc sensiblement s’améliorer. De plus, la légalité du séjour des Européens est totalement liée à leur statut de travailleur. Pour avoir droit au séjour en tant qu’Européen, ils doivent fournir un contrat de travail, ou prouver qu’ils sont travailleurs indépendants.

Pour sortir de la spirale infernale de la pauvreté et de la discrimination, l’accès à l’emploi, avec la scolarisation, représente pour les Roms une des portes principales vers l’intégration.

Dans les faits, à l’instar des Polonais, certains Roms roumains se sont établis en tant qu’indépendants en Belgique, créant leur propre entreprise, prenant des parts dans une entreprise d’un concitoyen établi en Belgique, parts qui peuvent s’avérer vraies… ou fausses. D’autres ont formalisé leur activité de ferrailleurs en devenant travailleurs indépendants. Sur l’ensemble des familles de Roms roumains suivies par l’association Le Foyer4, cinq à six d’entre elles se sont organisées en petites entreprises familiales indépendantes qui offrent des services, essentiellement dans la construction. Ces expériences sont vouées à se multiplier, le temps que le savoir-faire se diffuse et se transmette.

Cependant, la deuxième réalité demeure celle de la précarité de l’emploi. Le travail salarié des Roms en Belgique est rare. Il s’agit généralement de contrats temporaires et très peu de Roms trouvent des emplois stables et de longue durée. Parce qu’ils sont peu qualifiés, qu’ils souffrent d’une forte mésestime d’eux-mêmes et de leurs capacités, qu’ils ne connaissent pas ou peu la langue de leur pays de résidence, ils ont très peu de chances de pénétrer le marché du travail. Une autre explication, en dehors de la question de la qualification à l’emploi, pourrait être la difficulté à s’adapter à une “structure fixe”. Certaines communautés font néanmoins exception, comme celle des Roms de Macédoine à Bruxelles dont la plupart des membres travaillent de façon tout à fait régulière.

Économie informelle et pauvreté

D’après les études menées par le Foyer5, la plupart des Roms vivant à Bruxelles travaillent dans l’économie informelle : petits travaux de rénovation de maison (maçonnerie, peinture ou plomberie, menuiserie…) sur commande de patrons turcs. La rénovation peut s’échanger contre la mise à disposition d’une chambre. D’autres font de petits travaux sur les chantiers (porter, remplir et vider les brouettes), ou de l’achat et de la revente d’articles entre la Belgique et la Roumanie (petit électro-ménager, cigarettes…). Le secteur agricole saisonnier emploie également des Roms, généralement en-dehors de Bruxelles. Les femmes sont aides-ménagères ou parfois gardiennes d’enfants, serveuses ou aides de cuisine. Les employeurs sont là aussi souvent Turcs.

Pour sortir de la spirale infernale de la pauvreté et de la discrimination, l’accès à l’emploi, avec la scolarisation, représente certainement pour les Roms une des portes principales vers l’intégration. Malheureusement, l’école ne semble pas être une obligation dans l’esprit des Roms : elle ne fait pas partie de la stratégie de survie à court terme pour ces familles en grande précarité. Le lien entre la scolarisation, l’apprentissage d’une langue, la formation professionnelle et l’emploi qui peut ensuite en découler n’est pas une évidence pour ces personnes qui tentent au jour le jour de sortir de la misère et de l’urgence. Il faut quatre ans pour qu’une famille rom, suivie par des médiateurs, ne pratique plus l’absentéisme à l’école. Tout est donc toujours possible… 

Notes:
1 Ce terme générique recouvre diverses populations qui ont plus ou moins les mêmes caractéristiques, comme les Sintis (Manouches), Kalé…
2 Roma in the EU – a question of fundamental rights implementation, FRA, 2010.
3 Laissés pour compte. Violation des droits fondamentaux des Roms en Europe, Amnesty International, septembre 2010.
4 www.foyer.be
5 Les Roma de Bruxelles, le Foyer, 2003-2004.
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