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Les impacts de la “régul”

Quel impact aura la régularisation du séjour des étrangers sur notre société? Question légitime, mais prématurée.

Impact sur le système de sécurité sociale

La régularisation des personnes en séjour irrégulier leur permettra d’obtenir une aide financière à laquelle elles n’avaient pas droit avant leur régularisation. Les personnes régularisées, contrairement aux étrangers en séjour irrégulier, auront accès au marché de l’emploi et pourront donc contribuer au système de sécurité sociale. Toutefois, le manque de connaissances du profil socio-économique de la population en séjour irrégulier ne permet pas de prévoir à court ou moyen terme la capacité de ces personnes de s’insérer sur le marché de l’emploi. En effet, le groupe des personnes régularisées se caractérise par une grande diversité de niveaux de formation. Les résultats de l’étude Before & After1 qui porte sur la situation sociale et économique des personnes régularisées en 2000-2001 ne peuvent pas être extrapolés sans autres précautions aux bénéficiaires des récentes mesures de régularisation. Mais elles nous fournissent à la fois un indicateur intéressant et une méthode d’analyse.

Un parcours tout sauf linéaire

Sur les 116 personnes qui ont participé à l’étude Before & After, 49 ont bénéficié d’une aide sociale après leur régularisation. Au moment des interviews, 10 personnes bénéficiaient d’une aide d’un CPAS, 16 d’allocations de chômage (ce qui signifie qu’elles ont occupé un emploi après leur régularisation), 79 personnes étaient au travail et 11 se trouvaient dans une autre situation.  Une personne peut bénéficier d’une aide sociale avant de trouver un emploi, puis bénéficier d’allocations de chômage ou bien à nouveau d’une aide sociale… Ces chiffres nous montrent que le parcours professionnel, pour les personnes régularisées comme pour les autres, n’est pas un parcours linéaire : une personne peut bénéficier d’une aide sociale avant de trouver un emploi, puis bénéficier d’allocations de chômage ou bien à nouveau d’une aide sociale… La recherche Before & After a mis en évidence certains éléments ayant favorisé l’insertion dans le marché de l’emploi des personnes régularisées : avoir occupé un emploi légal, avoir suivi une formation ou un cycle d’enseignement en Belgique, bénéficier d’un encadrement social ou, à défaut, s’appuyer sur un réseau social informel sont des facteurs qui augmentent les chances des demandeurs d’occuper un emploi après leur régularisation.

Impact sur l’organisation de l’enseignement

Les enfants entre 6 et 18 ans ont l’obligation de suivre l’enseignement, quel que soit leur statut administratif. Il n’y a donc a priori pas de coût supplémentaire pour l’organisation de l’enseignement primaire ou secondaire suite aux dernières mesures en matière de régularisation. Les éventuels coûts supplémentaires seraient liés à la scolarisation des enfants qui rejoindront un de leurs parents régularisés en Belgique. Les enfants de personnes régularisées pourront poursuivre des études supérieures. Si ceci occasionne un coût supplémentaire dans un premier temps, on est en droit de penser qu’à long terme, la poursuite d’études supérieures favorisera l’insertion socioprofessionnelle des enfants des personnes régularisées.

Impact sur le marché du logement

Le logement pour les sans-papiers avant leur régularisation se caractérise par une précarité des conditions et, en moyenne, une durée d’occupation d’un logement relativement courte. Deux mouvements sont probables après leur régularisation : les personnes régularisées loueront un logement mieux adapté et plus onéreux ou achèteront leur propre logement. Et d’après l’étude Before & After, peu de personnes régularisées risquent d’occuper un logement social, en raison principalement des longs délais d’attente avant leur attribution.

Impact sur la composition démographique de la population

La pyramide des âges des personnes en séjour irrégulier n’est pas connue. L’étude Before & After a cependant indiqué que les migrants régularisés étaient majoritairement des personnes en âge de travailler. À moyen terme, la population totale va décroitre dans les sociétés occidentales et au sein de cette population la part des personnes en âge de travailler va également diminuer.Le défi est de réduire cette politique de régularisation à sa portion congrue en mettant en place des politiques migratoires qui correspondent à la réalité des flux migratoires. Ce vieillissement de la population met en péril la pérennité du financement des systèmes de sécurité sociale. Pour faire face à cette situation, dans une approche globale, les études démographiques recommandent, entre autres, mais pas uniquement, la mise en œuvre de mesures visant à augmenter le taux d’emploi des populations étrangères ou d’origine étrangère (reconnaissance des compétences acquises à l’étranger, politiques d’intégration et de lutte contre les discriminations à l’emploi) et la mise en place d’une politique de migration économique proactive. Il faut non seulement augmenter la part de la population en âge de travailler, mais également le taux d’activité de cette population.

À moyen terme, l’impact positif de la régularisation sur le financement du vieillissement, même s’il est infime, dépendra donc de l’insertion sur le marché de l’emploi des personnes régularisées et de leurs enfants.

Au-delà d’une politique de régularisation

Les mesures de régularisation mises en place étaient nécessaires et permettront d’ouvrir des perspectives d’avenir plus réjouissantes, non seulement pour les personnes régularisées, mais aussi pour la société belge. Ce seul fait a un impact positif non quantifiable. Mais les régularisations n’apportent pas de solution définitive au phénomène de l’immigration irrégulière. Tout porte à croire qu’il existe structurellement un marché de l’emploi informel. Ce marché est occupé par des Belges et des étrangers en séjour légal ou irrégulier. Les mesures de régularisation des personnes permettront sans doute de transférer certains emplois de l’économie informelle vers l’économie formelle. À supposer que ceci ait été un des objectifs des mesures de régularisation, le mécanisme qui a été mis en place ne favorise cependant pas de tels transferts. Sans réelle politique de lutte contre l’économie informelle, il est probable qu’un déplacement se produira. Les emplois informels que les personnes régularisées quitteront ne cesseront pas nécessairement d’exister et d’autres travailleurs, qui seront peut-être en séjour irrégulier, viendront les occuper.

Sans nul doute, une politique de régularisation en marge d’une politique de migration est une nécessité, aujourd’hui et dans le futur. Le défi est de réduire cette politique de régularisation à sa portion congrue en mettant en place des politiques migratoires qui correspondent à la réalité des flux migratoires. Ces politiques devront prendre en compte les aspirations des candidats à l’immigration et les besoins des pays tant de départ que de destination. Il faut espérer que la mise en œuvre des mesures de régularisation ne signera pas la mort du débat sur la mise en place d’une politique migratoire, en ce compris dans son volet « migration économique ». 

Notes:
1 Cette étude a été réalisée par le Centrum voor Sociaal Beleid – Herman Deleeck (Université d’Anvers) et le Groupe d’études sur l’ethnicité, le racisme, les migrations et l’exclusion (Germe –Université libre de Bruxelles). Elle est téléchargeable dans son intégralité sur le site du Germe (http://www.ulb.ac.be/socio/germe) et sur celui du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (http://www.diversite.be).
2 Rainer Muenz, Demographic Change, Labour Force Development and Migration in Europe – Current Situation, Future Outlook and Policy Recommendations.
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