Samir a quitté l’Afghanistan en 2002 et a demandé l’asile en Belgique. C’est au prix de nombreuses luttes qu’il a finalement obtenu la protection subsidiaire… en 2009.
Pouvez-vous nous expliquer votre parcours et pourquoi vous avez demandé l’asile en Belgique?
En partant d’Afghanistan, je ne connaissais pas la Belgique. J’ai juste cherché à fuir avec mes trois frères. Je viens des régions de l’Est, où l’État n’a aucun contrôle et où les Talibans sont puissants. Je n’avais pas d’engagements particuliers en politique mais mon père était dans l’armée et les Talibans s’attaquaient aux familles, en représailles. Nous avons donc dû fuir le pays. Nous sommes passés par l’Iran, la Turquie, la Bulgarie puis la Hongrie où les étrangers sont mal traités. Là, nous avons croisé d’autres Afghans qui nous ont suggéré d’aller en Grande-Bretagne. C’est sur la route vers Calais que nous avons été arrêtés, à Bruges. La police a pris nos empreintes et nous a dit que les conditions de demandes d’asile étaient partout pareilles en Europe. J’ai donc demandé l’asile en Belgique. C’était en 2002. À l’époque, je me disais que “l’Europe, c’est la terre des droits de l’Homme”, je ne connaissais rien aux procédures et j’étais persuadé que je serais reconnu réfugié. J’ai eu une première décision négative en 2003 et puis on m’a dit d’attendre. J’ai attendu au centre de Kapellen… pendant 4 ans. Et là, en 2006, on m’a donné une autre décision négative. On m’affirmait “que c’est pas vrai, que je n’avais pas de preuves que les Talibans ont attaqué ma famille”.
On me demandait de quitter le pays
S’en est suivi un long combat avec les autorités belges…
Oui, je n’ai eu mon statut de protection subsidiaire qu’en 2009. Mais cette décision négative de 2006 fut un vrai choc. J’ai contacté d’autres Afghans et je me suis rendu compte qu’il y en avait beaucoup dans la même situation. En comprenant ça et en voyant la situation en Afghanistan, tous les Afghans se sont rassemblés pour négocier avec le gouvernement. En 2006, le ministre de l’Intérieur annonçait la protection subsidiaire et nous disait “tous les Afghans seront reconnus grâce à Tu es obligé de bouger, de te battre pour qu’on respecte tes droits. ce statut”. Alors nous avons attendu la loi, puis nous avons vu des décisions négatives tomber comme s’il n’y avait pas de problèmes d’insécurité en Afghanistan. Face à cette injustice, nous avons entamé une grève de la faim, suivie de nouvelles promesses des autorités, puis une autre grève de la faim. Notre avocate elle-même a arrêté de s’alimenter. Nous étions nombreux à être ici depuis 5, 6 ans ou plus. En 2009, j’ai participé à une nouvelle grève de la faim qui a duré 55 jours. Là, l’attitude des autorités a changé. Les Afghans qui venaient de certaines régions ont obtenu la protection subsidiaire. C’est là que j’ai été reconnu, après 7 ans passés en Belgique.
L’obtention d’une protection internationale n’est donc pas uniquement issue d’un examen individuel, c’est aussi un rapport de forces. Comment avez-vous vécu ce parcours du combattant?
En 2006, à force de lire des documents, de parler avec des associations, des avocats, j’ai compris comment fonctionnait le système ici. Les droits de l’Homme, je croyais vraiment que c’était appliqué. Mais ce n’est pas du tout comme ça dans la réalité. Tu es obligé de bouger, de te battre pour qu’on respecte tes droits. Et je ne veux pas que les autres Afghans passent 4 ans dans un centre à croire que les droits de l’Homme sont appliqués en Belgique, sans bouger. Ici, pour qu’un Afghan obtienne protection, il faut qu’il rentre en grève de la faim. Pourquoi doit-on passer par là?
Propos recueillis par Cédric Vallet