© FEDASIL-Dieser Telemans

Le “point soupe”

Une histoire qui ressemble à celle de beaucoup d’autres arrivés en Belgique à l’automne 2010, alors que le réseau d’accueil est saturé depuis de nombreuses semaines…

Arrivé de Guinée-Conakry le 26 novembre 2010, vous demandez l’asile le lendemain. Comment se sont passés vos premiers jours en Belgique? 

Je suis arrivé à Bruxelles National grâce à l’aide d’une personne qui m’a aidé à quitter mon pays. J’ai demandé l’asile à la Belgique. Après plusieurs heures d’attente au dis­patching de FEDASIL, on m’a dit que faute de places dans le réseau d’accueil des demandeurs d’asile, je ne pourrais pas être pris en charge. On m’a fait comprendre que je n’étais pas le seul dans cette situation et on m’a conseillé de me rendre à une des adresses indiquées dans la farde bleue fournie par FEDASIL. Je me rappelle très bien, il était 16h30, la nuit tombait sur Bruxelles et je n’avais aucune idée d’où j’allais pouvoir passer la nuit.

À l’époque, des dizaines et des dizaines de personnes ne recevaient pas de désignations pour obtenir une place d’accueil dans le réseau. Vous étiez plusieurs à ne pas savoir où vous alliez passer la nuit?

Je me suis souvenu qu’en venant au dispatching de FEDASIL, j’étais passé par la gare du Nord. Dans le hall, je me suis réchauffé plusieurs heures avant de me décider à entrer en contact avec les autres personnes qui avaient aussi trouvé refuge dans la gare. Pour la première fois depuis mon arrivée en Belgique, je me sentais enfin en sécurité… Certains étaient là depuis plusieurs jours, d’autres depuis plusieurs semaines.Ils avaient des couvertures et dormaient sur des matelas entassés au sous-sol de la gare. Les toilettes étaient payantes, nous n’avions donc pas vraiment accès aux sanitaires. Nous mangions au hasard des tournées organisées par certaines ONG ou selon le bon vouloir de certains commerçants de la gare du Nord ou des citoyens qui venaient nous rendre visite régulièrement.

Après quelques jours, vous décidez de prendre les choses en mains pour sortir de cette situation…

J’ai commencé par errer plusieurs jours à la gare du Nord. En discutant avec des personnes venues nous soutenir, j’ai appris l’existence de ce que l’on appelle le « Point Soupe ». J’y suis allé pour avoir du pain et de la soupe, mais j’ai aussi discuté avec une personne qui m’a expliqué qu’en tant que demandeur d’asile, j’avais des droits et que, si je voulais être accueilli, il fallait introduire un recours juridique. Je me suis alors rendu au Bureau d’aide juridique (BAJ) où on m’a attribué un avocat “pro deo”. Malheureusement, le délai pour introduire un recours en extrême urgence était dépassé.

Ce qui signifiait en clair que votre dossier ne serait pas examiné en priorité et que votre séjour dans la rue pouvait durer longtemps…

C’est ce que m’a dit mon avocate. Je n’avais pas d’autre option que de retourner à la gare du Nord sans trop savoir ni quand ni comment j’allais pouvoir sortir de cette situation. J’avais mon avocate presque tous les jours au téléphone. C’est elle qui m’a parlé d’un ancien home à Laeken où se sont réfugiés une soixantaine de demandeurs d’asile. Je me suis rendu sur place mais, finalement, je suis retourné à la gare du Nord. Je m’y sentais plus en sécurité et, surtout, je commençais à connaître du monde. Vu les conditions climatiques extrêmes, la présence des demandeurs d’asile à la gare du Nord était finalement tolérée, mais uniquement au sous-sol où des lits de camps avaient été aménagés.

Et puis un jour votre avocate vous appelle pour vous dire qu’avec l’ouverture des places d’urgence, on lui a dit que vous pouviez vous présenter le lendemain au dispatching parce que des places seraient de nouveau disponibles…

Je suis arrivé très tôt mais il y avait déjà du monde. J’ai attendu un long moment au dispatching de FEDASIL avant qu’on me dise que j’allais recevoir une place d’accueil. Le soir même, j’ai pris le car avec une cinquantaine de demandeurs d’asile. On nous a emmenés à Bastogne dans les anciennes casernes où les premières places d’urgences venaient d’ouvrir. Je suis arrivé en début de soirée, la température ne dépassait pas – 5°C et la neige m’arrivait jusqu’au-dessus du genou. Mais, pour la première fois depuis mon arrivée en Belgique, je me sentais enfin en sécurité. Trois mois plus tard, j’ai obtenu une place dite « structurelle » dans un centre de la Croix-Rouge. J’attends actuellement ma première audition au CGRA. 

Propos recueillis par François Corbiau

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