Le centre fermé de Merksplas

Le centre pour illégaux de Merksplas (CIM) a été installé dans l’ancienne colonie pour vagabonds de Turnhout, réaffectée aux “illégaux” en mars 1994 suite à l’abolition de la loi sur le vagabondage. Il dispose de 146 places. Environ 1.050 personnes y sont détenues chaque année.

Stefanie Duysens est visiteuse au centre fermé de Merksplas pour le “Jesuit Refugee Service” depuis trois ans. Elle connaît d’autres centres fermés et relève que celui-ci est extrêmement carcéral, tant par son architecture que par le régime très dur qui y est pratiqué. À Merksplas règne un régime permanent de groupe qui attise les tensions, elles-mêmes traitées de façon plus sécuritaire que dans d’autres centres… 
 
Dans ce vieux bâtiment où on enfermait les vagabonds, entouré de hauts murs et de barbelés, les portes sont fermées à double tour, les fenêtres portent des barreaux, les détenus sont contraints à une vie de groupe sans aucune intimité, tous les moments de la journée sont planifiés et obligatoires (lever, douche, repas…), les déplacements se font en groupe et sont encadrés par des gardiens en uniformes avec talkies-walkies… “Les détenus me disent que c’est très pénible pour eux de se sentir traités en criminels et de ne jamais avoir la possibilité de s’isoler“. Ce régime de groupe attise les tensions, qui sont traitées de façon plus sécuritaire que dans d’autres centres, la direction de Merksplas faisant presque systématiquement appel à la police… 
 
Elle-même ne peut se déplacer librement dans le centre: un gardien l’accompagne au local où elle rencontrera les détenus amenés un par un. “Je ne peux rencontrer que les personnes dont j’ai préalablement donné le nom à la direction. Ce sont les détenus que je visite qui me signalent d’autres personnes qui souhaitent me rencontrer“. Stefanie Duysens raconte combien la souffrance des détenus est perceptible, et combien elle est touchée par la force qui émane de beaucoup d’entre eux. “Je ne sais pas comment ils arrivent à supporter la détention, à être tellement solidaires entre eux et à garder espoir, alors qu’ils ne savent pas quand ils vont sortir de là, ni comment ils vont en sortir…“. 
Si il n’y a plus d’enfants à Merkplas, de très jeunes gens y sont encore détenus, et elle dit combien il lui est pénible de voir enfermées des personnes si vulnérables. “Il y a aussi des gens très âgés, des malades, des personnes qui sont passées par la Grèce, qui y vont vécu des choses terribles et que l’Office des étrangers veut y renvoyer… C’est très dur.
 
Chaque visite, qu’elle répète une journée par semaine, est pour elle une rencontre forte avec une personne qui a une histoire, des rêves et des espoirs, malgré tout. Quand elle sort du centre, elle est submergée par un sentiment d’impuissance. “J’ai envie de crier face à tant d’injustice. Et, en même temps, ces gens m’ont transmis une grande force qui me permet de continuer. C’est très difficile, mais je continue parce que je crois que le travail des visiteurs est important. On apporte un souffle d’humanité dans ces lieux déshumanisants. Les détenus nous disent que notre présence est importante pour eux“. 
 

Propos recueillis par Laurence Vanpaeschen

 

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