Un film juste, sans pathos, ni caricature. Afin que plus personne n’ignore comment on traite des étrangers dans une démocratie européenne. À voir et à faire voir, de toute urgence.
Début octobre est sorti en salles l’excellent « Illégal », du réalisateur belge Olivier Masset-Depasse. Ce film retrace le combat d’une mère russe, Tania, pour assurer à son fils un avenir en Belgique. Ils y vivent depuis huit années « clandestinement » après le refus d’une demande d’asile, avec toutes les ambiguïtés que la clandestinité suppose. Si leur vie semble par certains aspects « normale » (Tania travaille, son fils est scolarisé), on en perçoit aussi les écueils et les blessures. Tania est la proie d’un propriétaire maffieux qui lui fournit de faux papiers, elle vit dans la crainte et refuse que son fils parle russe en public, elle ne s’accorde aucune vie privée et se consacre entièrement à son enfant… Arrêtée lors d’un contrôle policier en rue, elle sera détenue en centre fermé pendant plusieurs semaines et subira deux tentatives d’expulsion, dont une très violente qui aura pour conséquence son hospitalisation. Ce film est tant une magnifique réalisation cinématographique qu’un véritable pamphlet politique.
Montrer ce que NOUS leur faisons endurer pour qu’ils rentrent chez eux.
S’il s’agit bien d’une fiction, elle met en lumière de façon extrêmement documentée et réaliste les failles d’une politique migratoire qui s’appuie sur des procédures et des pratiques excluantes, déshumanisantes et violentes. Le réalisateur explique que son film est une « réaction épidermique » à la découverte de la réalité des centres fermés, qu’il a voulu montrer non pas ce que les migrants enduraient pour arriver chez nous, mais « ce que NOUS leur faisons endurer pour qu’ils rentrent chez eux ». Il prend très clairement position en déclarant que le titre de son film renvoie à l’illégalité non de personnes, mais des centres fermés et d’un système qui traite en criminels ceux qui n’ont eu d’autre choix que de se déraciner. L’excellence de ce film tient aussi au fait qu’il touche quasiment toutes les thématiques qui ont trait à la migration, tous les obstacles auxquels sont confrontées les personnes sans papiers (la difficulté d’accès aux pays européens, l’asile, la clandestinité, le travail et la scolarité des personnes sans papiers, les conditions de détention en centres fermés, l’aide juridique, l’accès aux soins, les expulsions…) et ce avec beaucoup de justesse. Olivier Masset-Depasse a préparé son film avec un journaliste du Soir et un conseiller juridique de la Ligue des droits de l’Homme, spécialistes de ces questions, ce qui lui donne le réalisme d’un documentaire. « Tout ce qu’on voit dans le film s’est passé au moins une fois dans la réalité », explique-t-il.