Plusieurs associations préoccupées par la situation des familles roms en errance à Bruxelles ont rédigé un manifeste. L’objectif? Formuler des propositions de mesures concrètes à mettre en œuvre pour l’inclusion de ces familles.
Depuis presque 4 ans, des familles migrantes, dites roms, sont en errance à Bruxelles et dans toute la Belgique. De squat en hébergement d’urgence puis à la rue et à nouveau en squat, ballotées d’une commune à une autre, elles errent sans solution, soumises aux mouvements d’humeurs des polices locales et au bon vouloir des propriétaires, dépendantes des initiatives diverses de la société civile, des moyens et de la volonté politique des bourgmestres ponctuellement concernés par leur présence.
C’est la première fois dans l’histoire des migrations que connaît et qu’a connues la Belgique, qu’une immigration familiale présente les caractéristiques du sans-abrisme et de l’extrême précarité avec les risques qui leur sont inhérents. Des familles entières avec femmes, enfants et nouveau-nés vivent dans des conditions indignes mettant en péril leur santé et leur avenir.
Par son inaction, la Belgique (tous niveaux de pouvoir confondus) participe à la production d’une catégorie de sous-citoyens européens. En effet, lorsqu’il s’agit de ressortissants de l’Union européenne, leur statut administratif ne leur donne accès à aucun droit en Belgique. Même l’octroi de l’aide médicale d’urgence dépend du bon vouloir des administrations locales.
Le retour dans le pays d’origine, qu’il soit volontaire ou forcé, n’est pas une solution: les familles y subissent de tels traitements discriminants qu’elles reprennent la route tôt ou tard. En dépit d’idées préconçues, ces populations sont peu nombreuses. Elles représentent, selon les périodes, entre 200 et 300 personnes pour Bruxelles. On est loin d’une logique d’immigration massive.
Pour une poignée de migrants, dont des citoyens européens, la Belgique devrait être capable d’apporter des solutions viables sur le long terme. Leur misère est intolérable pour les signataires de ce manifeste.
Les principes de base qui guident les signataires de cette proposition de manifeste sont:
- La stabilisation de leur situation (non expulsion ni des lieux d’occupation, ni du territoire) : les familles doivent pouvoir vivre dans le même lieu pendant une durée d’au moins 2 ans. C’est ce temps minimum qui permet aux familles de se restructurer et de mettre en œuvre des parcours d’inclusion.
- La nécessité d’un suivi social rapproché visant l’accès aux droits sociaux. La situation de très grande vulnérabilité appelle des mesures d’urgence, notamment humanitaires et, ensuite, un suivi social de qualité pour permettre une véritable insertion sur le long terme en matière d’emploi, de logement, de scolarité et de santé.
- L’inclusion dans le droit commun: des mesures adaptées aux besoins de ces familles en termes d’urgence humanitaire et de suivi social.
Les signataires de ce manifeste demandent:
La création en urgence d’une task force présidée par la Région de Bruxelles-Capitale pour la coordination de la prise en charge des familles et l’élaboration de solutions pérennes.
Elle devrait être composée de:
- la présidence de la Région de Bruxelles-Capitale
- un représentant du gouvernement fédéral (asile/migration et inclusion sociale)
- un représentant de la Région en matière de logement
- les représentants de la Région en fonction de leurs compétences
- les bourgmestres des communes et/ou les présidents de CPAS concernés
- des représentants de la plateforme des ONG
Son rôle: chercher et mettre en œuvre une stratégie pour :
- Coordonner des solutions pragmatiques dans les situations de crise: anticipation de sortie de squats, mise à la rue de familles…
- Dégager des solutions pérennes pour et avec les familles concernées en termes de logement et de suivi social et administratif.
Les membres de la task force s’engagent à assurer une certaine réactivité.
Les solutions à apporter aux familles sont de deux ordres:
A. Des solutions pour des besoins humanitaires de base:
Des mesures d’urgence pour les besoins de base des populations concernées doivent être recherchées, en particulier pour les familles qui sont à la rue: logement d’urgence, nourriture, soins, accès à l’eau. Ces mesures urgentes doivent être prises en charge par les collectivités locales mais ne doivent pas donner lieu à une assistance humanitaire sur le long terme.
B. Des solutions pour les besoins d’inclusion à moyen terme:
En matière de logement:
Pour permettre la stabilisation, il s’agirait de rechercher des logements de préférence stables et durables dans des petites unités.
- Le fond du logement pourrait être sollicité;
- Toutes les communes de Bruxelles ainsi que la Régie fédérale des bâtiments pourraient être, le cas échéant, requises par la task force pour trouver des logements vides pouvant permettre une occupation précaire/temporaire durant un temps long (minimum deux ans), notamment sur la base de la loi Onkelinx;
- La mise en place de ces solutions devrait s’accompagner de la signature d’une convention avec les familles, en coordination avec – ou par – les autorités communales. Dans le cadre d’une occupation temporaire, cette convention pourrait s’inspirer des conventions déjà expérimentées (voir FEBUL). Chaque acteur communal qui aura à faire avec les familles devra être mis au courant des termes de cette convention.
En matière de suivi social:
Pour permettre un suivi social rapproché, il s’agirait d’embaucher des travailleurs sociaux et des médiateurs qualifiés, financés par la Région de Bruxelles-Capitale et mis à disposition des communes concernées.
Ces travailleurs sociaux et médiateurs pourraient faire le lien entre les familles et la task force tout au long de la recherche de solutions.
Ils auraient pour mandat d’effectuer un suivi social et administratif des familles dans tous les aspects, permettre des actions concertées et assurer une continuité de service. Ils s’occuperaient notamment de:
- L’accès aux soins: délivrance de cartes médicales et continuité des soins (via l’AMU ou via l’assurance obligatoire en fonction du statut de séjour)
- La scolarisation des enfants, y compris des adolescents
- L’apprentissage des langues
- L’aide active à la formation et la recherche d’emploi
- La recherche de logement pérenne
- La recherche de solutions en matière de séjour
Les ONG de la plateforme pourraient être sollicitées pour renforcer le travail des travailleurs sociaux, des médiateurs et des services communaux (formation aux droits des étrangers (CIRÉ/LDH), cours de français (CIRÉ), aide sanitaire, prévention, hygiène (MDM), médiation scolaire (Centre Régional d’Intégration Le Foyer).
La collaboration active des familles est requise. Ces dispositifs d’inclusion doivent être facilités par les différents services communaux. Les autorités communales en portent la responsabilité finale en s’appuyant sur la task force.
Signataires:
Bruxelles Laïque
Centre Régional d’Intégration Le Foyer
CIRÉ
La Ligue des Droits de l’Homme
Médecins du Monde
Rom en Rom
Avec le soutien de:
Amnesty International
Le Délégué Général aux Droits de l’Enfant
Le Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté
UNICE
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