Rapport du Comité des droits de l’homme des Nations unies, du Comité contre la torture des Nations unies et du Comité européen pour la prévention de la torture: l’État belge fait très régulièrement l’objet de condamnations aux niveaux international ou européen pour le sort qu’il réserve aux personnes qui sont placées en centres fermés ou expulsées.
Comité des droits de l’Homme, Comité contre la torture, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, Cour européenne des droits de l’homme… toutes ces instances participent à un système de contrôle international du respect des droits humains en général.
Des comités pour veiller au respect des droits humains
Au niveau international, des “comités” ont été mis en place par les grands traités relatifs à la protection des droits de l’Homme conclus au sein des Nations unies. Ces comités voient leur champ d’action limité par le fait qu’ils ne sont pas des organes judiciaires capables de condamner un État pour violation d’un droit fondamental. En outre, pour fonctionner, les États concernés doivent avoir expressément accepté leur compétence, ce qui est loin d’être le cas de la majorité d’entre eux.
À l’échelon régional, c’est en Europe que les progrès ont été les plus réels grâce à la création de la Cour européenne des droits de l’Homme, la Belgique a été épinglée par le Comité des droits de l’Homme des Nations unies, par le Comité contre la torture des Nations unies et par le Comité européen pour la prévention de la torture. véritable organe judiciaire chargé de garantir l’application de la Convention européenne des droits de l’Homme. L’Europe s’est également dotée du Comité pour la prévention de la torture dont le rôle, strictement préventif celui-là, est d’examiner, au moyen de visites, le traitement des personnes privées de liberté en vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. À cet égard, la Belgique accepte pleinement que le regard de la communauté internationale se pose sur sa propre pratique de détention des étrangers en centres fermés.
La Belgique régulièrement montrée du doigt
Dernièrement, la Belgique a notamment été épinglée par le Comité des droits de l’Homme des Nations unies, par le Comité contre la torture des Nations unies et par le Comité européen pour la prévention de la torture. À ces différentes occasions, des “recommandations” ont été adressées à la Belgique afin qu’elle modifie certains aspects de sa politique d’enfermement en centres fermés. Des récriminations ont ainsi été émises à divers propos: usage excessif de la force par la police belge lors de l’expulsion des non-ressortissants; droit d’exercice en plein air non prévu pour les occupants des centres INAD; absence de garanties effectives entourant les mesures disciplinaires de placement en cellule d’isolement; inefficacité totale du mécanisme de recours devant la Commission des plaintes…
La Belgique a également subi plusieurs condamnations par la Cour européenne des droits de l’Homme. Suite à l’”affaire Tabitha”, l’État belge a été condamné pour traitement inhumain et dégradant en raison de ses pratiques en matière d’expulsion d’étrangers et de détention de mineurs d’âge non accompagnés.
Plus récemment, dans l’affaire Muskhadziyeva et autres du 19 janvier 2010, la Cour a franchi un pas supplémentaire en condamnant la Belgique en raison de la détention d’enfants mineurs au centre 127 bis, alors pourtant que ceux-ci étaient accompagnés de leur mère.
Citons encore l’affaire Riad et Idiab du 24 janvier 2008 dans laquelle la Belgique a été condamnée par la Cour en raison de sa pratique consistant à détenir des étrangers dans la zone de transit de l’aéroport.
Des recommandations pas toujours suivies d’effet
À première vue, certaines initiatives prises par la Belgique semblent aller dans le sens des recommandations préconisées par les instances précitées. Ainsi en est-il notamment de la pratique récente de ne plus détenir dans les centres fermés les familles avec enfant mineur et ce, quel que soit leur statut juridique. Cette initiative reste toutefois insuffisante. Tant que l’enfermement des familles avec enfants dans les centres n’est pas expressément écarté par une loi, comme il l’a été pour les mineurs non accompagnés dans le cadre de la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile, le risque d’un retour à la pratique antérieure existe.
Notons également que les récentes modifications apportées par l’arrêté royal du 8 juin 2009 à l’arrêté royal du 2 août 2002 fixant le régime et les règles de fonctionnement applicables aux centres fermés gérés par l’Office des étrangers vont dans le sens contraire à certaines des recommandations émises. À cet égard, il faudra être attentif à l’arrêt qui doit être prochainement rendu par le Conseil d’État suite au recours en annulation qui a été introduit à l’encontre de cet arrêté royal.
La force symbolique de ces différents rapports
Certes, les analyses émises par les différents “comités” n’ont pas de valeur juridique contraignante. Certes encore, les arrêts de la Cour sont essentiellement déclaratoires et elle n’a pas le pouvoir d’abroger les lois ou d’annuler les décisions de droit interne à l’origine de la violation des droits. Il n’en demeure pas moins que cet arsenal d’analyses, d’avis, de préoccupations, de recommandations et d’arrêts constitue un outil de lobbying précieux pour tous ceux qui souhaitent améliorer la politique de détention administrative des étrangers menée dans notre pays.
Car toute autre est en effet la valeur symbolique de ces différentes interpellations. Ainsi, l’État qui s’obstinerait à ne jamais suivre les recommandations qui lui sont faites par les organes des Nations unies ou du Conseil de l’Europe, ou celui qui se ferait condamner à répétition par la Cour européenne des droits l’Homme s’expose à être pointé du doigt par la communauté internationale au sein de laquelle il n’est jamais bon de devenir le mauvais élève de la classe, surtout en matière de respect des droits de l’Homme.