Dispositif “Frontex”: le jeu du chat et de la souris

L’agence Frontex coordonne le contrôle des frontières extérieures de l’UE. En réponse aux “pressions migratoires”, pour reprendre ses propres termes, elle déploie des dispositifs quasi militaires. Pourtant, prévient Olivier Clochard, géographe et auteur de l’Atlas des migrants, “c’est un leurre de croire qu’on va pouvoir contrôler la totalité des frontières. Les dispositifs ont beau être de plus en plus sophistiqués, globalement, les migrants continuent de passer“.

À partir du moment où un dispositif est déployé à un endroit, on assiste à un déplacement des routes migratoires vers d’autres lieux. “Une sorte de jeu du chat et de la souris. Un jeu macabre qui entraîne la mort de nombre de ses acteurs.

©MICmag

En 2006, Frontex lance sa première véritable opération en mer au large des îles Canaries: l’opération Hera. Objectif: mettre un terme aux nombreuses tentatives de migrants qui cherchent à gagner les îles espagnoles au départ de l’Afrique de l’Ouest.

En 2007, le nombre de bateaux en provenance d’Afrique qui tentent de rejoindre l’Espagne via les Canaries et à travers le détroit de Gibraltar diminue. Frontex déploie alors son dispositif plus à l’est. C’est l’opération Nautilus en Méditerranée et l’opération Poseidon en mer Égée.

En 2008, l’Italie, la Grèce et l’île de Malte sont à leur tour confrontées à l’arrivée d’un nombre important de migrants en provenance, pour une bonne part, de Libye. À la même époque, la Grèce est elle aussi confrontée à un afflux de migrants.

À partir du moment où un dispositif est déployé à un endroit, on assiste à un déplacement des routes migratoires vers d’autres lieux. “Une sorte de jeu du chat et de la souris. Un jeu macabre qui entraîne la mort de nombre de ses acteurs.”

En 2009, l’opération Hermès est mise en place au large de la Tunisie et de la Libye pour empêcher les débarquements de migrants sur les côtes italiennes et maltaises. Simultanément, un accord est signé en grande pompe entre le Premier ministre italien Silvio Berlusconi et le président libyen Mouammar Khadafi pour lutter contre l’immigration clandestine. Les défenseurs des droits humains, eux, s’inquiètent du sort réservé aux migrants. Les témoignages de maltraitance de migrants en Libye s’accumulent.

En 2010, le nombre de migrants qui tentent de rejoindre l’Europe à travers la Méditerranée et la mer Égée entre la Grèce et la Turquie continue de diminuer. La “pression migratoire” remonte le long de la frontière terrestre de la Grèce. Frontex renforce considérablement son dispositif dans la zone avec les opérations Neptune, Jupiter et Poseidon.

En 2011, le Printemps arabe jette des centaines de milliers de personnes sur les routes de l’exil dont une partie tente de rejoindre l’Europe par les voies terrestres et maritimes. La majorité part en bateau de Tunisie ou de Libye vers l’île italienne de Lampedusa ou l’Italie continentale. Frontex renforce le dispositif de l’opération Hermès.

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En 2012, un point cristallise toute l’attention: le fleuve Evros le long de la frontière terrestre entre la Grèce et la Turquie. La Grèce décide d’ériger un mur d’une dizaine de kilomètres afin d’empêcher les migrants d’entrer en Grèce via la Turquie. Du coup, c’est la Bulgarie, relativement épargnée jusqu’ici, qui est confrontée à un afflux important de migrants. Conséquence: le volet terrestre de l’opération Poseidon est à son tour renforcé.

En 2013, le nombre d’interceptions en Méditerranée centrale repart à la hausse. Les naufrages aussi. Le 3 octobre 2013, c’est le drame. Un bateau comptant à son bord 500 migrants coule au large de Lampedusa. Bilan: 366 morts. Dans un premier temps, c’est le choc. Les déclarations des responsables européens se multiplient. Et puis plus rien. Face à cette catastrophe humanitaire, l’Italie décide de prendre ses responsabilités et de monter l’opération Mare Nostrum. Pendant une année, les patrouilleurs italiens sillonnent les eaux territoriales italiennes, maltaises mais aussi les eaux internationales au large de la Libye et de la Tunisie pour intercepter les migrants et venir en aide aux bateaux en perdition. Bilan: 150.000 migrants sont sauvés de la noyade.

En 2014, les chiffres explosent littéralement. Plus de 130.000 personnes auraient tenté de gagner l’Europe en traversant la Méditerranée centrale rien que pour les 9 premiers mois de l’année 2014. Alors que l’opération Mare Nostrum s’est clôturée fin octobre 2014, elle a été remplacée par une opération de moindre envergure coordonnée par Frontex: l’opération Triton. Comparée à Mare Nostrum, ses missions et ses moyens ont été considérablement revus à la baisse.

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