Démocratie blindée

“L’Europe forteresse”, c’est le titre d’un roman de science-fiction dans lequel le danger viendrait de l’autre côté de la frontière. Menacée d’une invasion certaine, l’Union européenne se protège. Face aux migrants, encouragés par les trafiquants, véritable “fléau”, l’Europe doit se doter des moyens de lutter contre la criminalité. Elle sécurise donc, pour sauver des vies qui vont se perdre en mer mais aussi pour rassurer ses citoyens en montrant que la situation est sous contrôle.

Cela permet de faire comprendre à l’opinion publique qu’il y a aussi de bons migrants, ou plutôt de bons réfugiés et que ceux-là, il faut les protéger. Elle intercepte, elle détient, elle expulse. Sa politique est bien organisée et elle repose sur les droits fondamentaux. Pour la mener à bien, elle enrôle les pays d’origine et de transit pour partager avec elle ce “lourd fardeau” en participant au contrôle et à la surveillance pour empêcher les migrants de quitter leurs territoires. Elle s’appuie sur les technologies les plus sophistiquées pour assurer la surveillance et échanger des données servant à plus de contrôle encore, pour qu’aucun déplacement n’échappe plus à sa vigilance.

Le scénario, bien que réel, est pourtant peu crédible. Les migrants deviennent clandestins lorsqu’ils sont désignés comme tels par les politiques des États membres de l’Union européenne, la menace d’invasion n’est ni réelle ni justifiée, les trafiquants n’opèreraient pas s’il y avait des voies de passage légales et les morts en mer sont le fruit de routes migratoires toujours plus dangereuses, générées par des contrôles et une surveillance accrue.

Les enjeux actuels autour de la gestion des frontières de l’Union Européenne dépassent largement la rhétorique mécaniste et biaisée “de la menace et de son contrôle”.

Les enjeux actuels autour de la gestion des frontières de l’Union Européenne dépassent largement la rhétorique mécaniste et biaisée “de la menace et de son contrôle”. Ces enjeux nous parlent d’un système global qui vise à protéger les intérêts d’une minorité privilégiée, européenne, à asseoir des politiques nationales en mal de bouc émissaire et à conforter des marchés juteux, de l’enfermement, de la surveillance et du contrôle. Un système où les garde-frontières européens apprennent à se connaître sous le soleil d’Andalousie ou dans la mer Égée et où les drones semblent être les derniers investissements à la mode.

Du coup, ce sont les fondements mêmes de l’Europe qui sont menacés par la “forteresse Europe”. C’est la “méfiance européenne” qui prendrait le pas sur la “solidarité européenne”, dans un fort élan nationaliste au cœur du débat sur Schengen et Frontex. Ce sont des violations des obligations internationales des États membres en matière de protection des droits humains, notamment du droit d’asile, en mer et sur terre. C’est l’inégalité des rapports entre l’Union et ses voisins proches et moins proches dans le contexte migratoire, à travers l’instrumentalisation des relations diplomatiques et économiques à des fins de contrôle. Ce sont les manquements en matière de transparence et de responsabilité dans le traitement des migrants aux frontières, pourtant à la base de la démocratie.

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