Avec les sans-abris

Accueillir des sans-abris ou des demandeurs d’asile, ce n’est pas exactement la même chose…

 Cela fait plus de 3 ans que le secteur “sans- abris” est confronté à la crise de l’accueil des demandeurs d’asile, quelles sont les implications concrètes dans le travail?

Avec la crise de l’accueil, le dispatching de FEDASIL a envoyé tous azimuts ce type de public vers les structures existantes du secteur “sans-abris”. Concrètement, les demandeurs d’asile recevaient au dispatching de FEDASIL un dépliant mentionnant les adresses des centres réservés essentiellement à l’accueil des sans-abris. Comme les travailleurs de FEDASIL n’avaient pas d’alternative, ils se sont dit que cela valait mieux que d’envoyer ces demandeurs d’asile à la rue. Sauf que dans les faits, c’est ça qui se produisait.

Parce qu’on les renvoyait vers des centres qui n’étaient pas en mesure de les accueillir?

En réalité, en renvoyant de cette façon les demandeurs d’asile avec une liste d’adresses, on leur donnait de faux espoirs.

Nous ne voulions pas être ceux qui disent aux gens: “toi tu rentres et toi tu ne rentres pas”…

Les travailleurs des structures d’aide aux sans-abris ont des critères sur lesquels ils se basent pour accueillir les personnes et surtout le nombre de places est réduit. Le secteur lui-même est déjà sous forte pression depuis plus de 10 ans du fait notamment de l’appauvrissement de la population de Bruxelles, aussi parce que la situation du logement à Bruxelles est celle que l’on connaît…

Pourtant, on a vu une évolution dans la position du secteur “sans-abris”. On est passé de “non, on ne peut pas accueillir les demandeurs d’asile parce que notre public cible sont les “sans-abris”” à “on ne peut plus choisir, un homme non accueilli est un homme à la rue”…

C’est plus nuancé que ça. En réalité, on a commencé par dire que ces personnes qui arrivaient dans notre pays avaient des droits et que l’État belge devait respecter ces droits. Notre position visait à rappeler que ce n’est pas en mettant les demandeurs d’asile dans des hébergements d’urgence que l’on respecte leurs droits… Ensuite, face à la dégradation de la situation, on s’est trouvés confrontés à une urgence humanitaire. Nous ne voulions pas être ceux qui disent aux gens: “toi tu rentres et toi tu ne rentres pas”…

D’autant qu’accueillir ce type de public nécessite un accompagnement bien particulier…

Il y a des métiers bien spécifiques et des droits bien spécifiques pour un individu ou une famille avec enfant qui débarque ici et qui normalement a droit à un accueil décent. Aller les mettre dans le même hébergement d’urgence que des personnes qui sont cassées par la vie, par toute une série d’événements… On se trompe tout à fait. Sans compter le fait que le personnel d’encadrement n’est pas formé pour accueillir ce public spécifique. C’est sain de se rendre compte qu’une ville comme Bruxelles a une place particulière, notamment parce que les instances d’asile s’y trouvent… Ce qui a été fait là était inacceptable.

On était dans la logique de l’urgence “oui mais quand même c’est mieux que la rue…”, mais je suis persuadé qu’on se trompe. Quand je dis ça, je fais ici surtout référence aux grosses tensions que l’envoi, sans accord préalable, de dizaines de personnes a pu générer. Les personnes sans abri se sont senties menacées et, de l’autre côté, les demandeurs d’asile n’ont pas compris ce qu’il leur arrivait lorsqu’ils se retrouvaient devant ces centres face à des personnes qui ne les voyaient pas arriver d’un bon œil. On a donc monté deux publics particulièrement vulnérables l’un contre l’autre.

C’est pour ça que cette année les autorités ont pris les devants dans le cadre du plan hiver?

Cette année, face à l’ampleur de la crise, il y a eu des discussions préalables à l’hiver qui ont débouché sur la création de places spécifiques pour les demandeurs d’asile dans le cadre du plan hiver. Il a été décidé d’ouvrir quelques centaines de places gérées par FEDASIL, mais dont l’opérateur sur le terrain était le SAMU social. Cet accueil était organisé dans des bâtiments distincts des implantations classiques.

Ces places ont-elles permis de faire face à la situation?

Je ne pense pas que ce soient juste ces places qui ont permis de faire face. Mais ouvrir 300 places spécifiques pour les demandeurs d’asile a permis de soulager les structures traditionnelles pour sans-abris. C’est sain de se rendre compte qu’une ville comme Bruxelles a une place particulière, notamment parce que les instances d’asile s’y trouvent… Dans ce cadre-là, mettre en place un dispositif spécifique pour les demandeurs d’asile était une bonne chose. 

Propos recueillis par François Corbiau

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