Asile: l’Union européenne se débine

Hicham Rachidi est membre du Gadem, le Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et des migrants. Cette association marocaine travaille à la défense des droits des étrangers au Maroc. Son expérience aux côtés des migrants fait du Gadem un observateur privilégié des politiques migratoires dans ce pays du Maghreb.

Entre les partisans de la création d’une procédure d’asile marocaine et ceux qui la dénoncent comme l’aboutissement d’une logique d’externalisation, comment le Gadem se situe-t-il?

Cette question est très délicate. En tant qu’organisation d’accompagnement et de soutien des migrants et des réfugiés, on se retrouve dans une position de demande vis-à-vis de l’État pour qu’il assume ses responsabilités. De l’autre côté, nous savons très bien qu’il y a des pressions de la part de l’Union européenne sur des pays comme le Maroc pour jouer les gardes-frontières. Nous avons conscience que l’Union européenne cherche à se défausser de ses responsabilités en matière d’asile. Le fait que la société civile marocaine le sache et se mobilise, notamment au sein de réseaux comme Migreurop, est en soi un élément important.  

Comment dépassez-vous cette contradiction?

Notre position est celle du manifeste euro-africain qui est né d’une conférence non gouvernementale sur les migrations à Rabat en 2006. Notre objectif est qu’un jour chacun puisse jouir de la liberté de circulation. Cette mobilisation non-gouvernementale faisait écho aux différents sommets entre l’Union européenne et ses pays limitrophes visant à externaliser l’asile et le contrôle des frontières. Au Maroc, la question des étrangers est problématique depuis 2002 lorsque, Cette mobilisation non-gouvernementale faisait écho aux différents sommets entre l’Union européenne et ses pays limitrophes visant à externaliser l’asile et le contrôle des frontières. au Sommet de Séville, la droite espagnole avait parlé de conditionner l’aide publique au développement au renforcement du contrôle des flux migratoires. La proposition espagnole n’était pas passée mais le message lui, a pris de l’ampleur.

En 2003, le Maroc a adopté une loi sur l’entrée et la sortie des étrangers qui allait dans le sens d’une criminalisation du territoire; une direction de l’immigration et du contrôle des frontières a été créée avec un effectif de 7.000 agents dont une bonne partie du fonctionnement est financée par l’Union européenne.   Lorsqu’il s’agit de protection, le Gadem souhaite “contourner” cette volonté européenne d’externaliser en demandant que toute personne reconnue réfugiée au Maroc puisse ensuite s’installer dans le pays de son choix. Nous en sommes loin, surtout lorsqu’on voit que les réfugiés reconnus au Maroc par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) n’ont aucun droit et ne sont pas reconnus par les autorités.  

Justement, quel rôle joue le HCR au Maroc?  

Le HCR n’avait ici qu’un bureau honorifique. Puis sa présence s’est renforcée en 2004, avec plus de moyens et plus de personnel. Il faut dire que son rôle a aussi changé. C’est lui qui, depuis cette date, détermine le statut de réfugié. Dans le même temps, il est en contact permanent avec les autorités pour que le Maroc construise un système d’asile. Des discussions ont lieu par exemple entre le Conseil consultatif des droits de l’Homme, organisme instauré par le roi, et le HCR. Ces échanges concernent la protection des réfugiés au Maroc et se tiennent dans l’opacité totale. Nous demandons qu’elles soient rendues publiques. Nous nous méfions clairement de ce scénario “à la grecque”. Si un système d’asile devait voir le jour au Maroc, il y aurait des taux de reconnaissance ridicules, proches de zéro.  

Mais surtout, avant de créer un système d’asile marocain, nous demandons une démarche plus générale tant les problèmes sont criants. Cette démarche générale vise à renforcer les droits de tous les migrants, par exemple le droit de recours contre toute décision, notamment dans le cadre d’expulsions. Lorsqu’il y aura ces garanties de base pour les migrants, alors on pourra parler d’asile. Car notre objectif à court terme est bien celui-là: que les droits de l’Homme soient pris en compte dans toute discussion concernant les migrants.  

Propos recueillis par Cédric Vallet

 
 
 
 
 
 
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