Un logement est un immeuble bâti, structurellement destiné à l’habitation d’un ou plusieurs ménages. Cette définition, tirée du Code wallon du logement, énonce une évidence. Mais pour une petite communauté de quelques milliers d’individus, elle est source de bien des déboires. Parmi ceux-là, la figure-type de leur logement n’est pas une maison, mais une caravane.
Or, les familles de Gens du voyage ont de plus en plus de mal à trouver un lieu où il leur soit permis d’habiter dans le respect de leurs traditions. Pour ceux qui se déplacent, accéder à des sites où s’arrêter temporairement, même moyennant payement, relève de plus en plus de la gageure. Et ceux qui souhaitent s’établir de manière permanente dans une caravane placée sur une propriété qu’ils ont achetée ou louée se voient fréquemment refuser le permis de bâtir nécessaire. Une entorse au droit au logement? En réalité, un logement, les Gens du voyage en possèdent déjà un – leur caravane –, mais, dans l’état actuel des règlements et des pratiques publiques, beaucoup n’ont de fait pas le droit d’y résider.
En Flandre, des mesures ont été prises. La Région flamande incite les provinces et les communes à ouvrir des aires d’accueil pour les Gens du voyage, notamment en finançant leur coût à concurrence de 90%. Cinq terrains de transit, équipés (eau, électricité, ramassage des déchets), comptant 80 emplacements et destinés à accueillir ces familles pour de courtes durées durant les mois où elles voyagent, ont été ainsi aménagés. Le stationnement y est payant et limité à environ deux semaines. Vingt-neuf terrains résidentiels publics, permettant l’installation permanente de caravanes, ont également été créés.
Précision non négligeable: contrairement au code wallon, le code flamand du logement définit la « roulotte » comme une forme de logement. L’amélioration des conditions d’existence des personnes habitant dans une roulotte est d’ailleurs l’un des objectifs de la politique flamande du logement. Ça ne suffit pas. Près de 400 familles, environ la moitié de la population des Gens du voyage en région flamande, n’ont pas accès à un site de stationnement légal. Mais c’est toujours mieux qu’en Wallonie ou qu’à Bruxelles.
Ainsi, pour la seule raison qu’ils ne se conforment pas à la norme dominante en matière d’habitat, la plupart des Gens du voyage sont contraints de vivre dans l’instabilité, en butte à de fréquentes expulsions.
Dans la capitale, il n’existe qu’un petit terrain résidentiel public, à Molenbeek, en voie de fermeture, et trois petits terrains privés à Anderlecht et à Haren où quelques personnes ont obtenu un permis pour y installer une caravane. En octobre 2011, un nouveau terrain public d’une vingtaine de places a été ouvert à Haren à l’initiative de la Ville de Bruxelles. La Wallonie ne compte qu’un terrain de transit public, près de Bastogne, peu aménagé et d’une surface limitée. Pourtant, les communes wallonnes qui décideraient de créer des “terrains de campement en faveur des nomades” peuvent obtenir un subside auprès de la Communauté française à concurrence de 60% du coût global. Mais les autorités communales rechignent, tant une telle initiative leur semblerait électoralement suicidaire. Grâce à l’intervention du Centre de médiation des Gens du voyage de Wallonie (2001), quelques terrains non aménagés ont été mis à la disposition des familles pendant la période du voyage, mais toujours de façon précaire. En revanche, les règlements généraux de police interdisant le stationnement de caravanes plus de 24 ou 48 heures sans autorisation se sont multipliés.
Ainsi, pour la seule raison qu’ils ne se conforment pas à la norme dominante en matière d’habitat, la plupart des Gens du voyage sont contraints de vivre dans l’instabilité, en butte à de fréquentes expulsions. Celles-ci s’ajoutent à d’autres vexations ou tracasseries: ainsi, certaines communes refusent, en toute illégalité, d’inscrire dans les registres de population les personnes résidant dans des caravanes.