Ali Guissé fut un des membres fondateurs de l’Union pour la défense des sans-papiers (Udep) et son porte-parole. Après avoir contribué à faire émerger ce mouvement, il s’exprime sur les critères de régularisation, sur l’Udep et sur les éléments qui ont permis, selon lui, d’obtenir une régularisation.
Ali Guissé, vous qui avez contribué à structurer le mouvement des sans-papiers, que pensez-vous de la régularisation qui a finalement été décidée par le gouvernement, ses critères, ses modalités d’application?
C’est une avancée que nous espérions, c’est une bonne nouvelle. Ceci étant dit, il y a des choses qui pourraient être améliorées, par exemple pour l’aspect “régularisation par le travail”. Le fait qu’il faille un contrat de travail effectif pour finalement être régularisé pose beaucoup de problèmes. Je le constate dans les permanences sociales. De nombreux employeurs n’acceptent pas de fournir ce contrat. Une commission de régularisation aurait été bienvenue pour examiner d’éventuels recours. Enfin, il est fort possible que cette régularisation prenne du temps, comme en 2000.
Vous qui avez été porte-parole de l’Udep, avant d’être régularisé, quel souvenir gardez-vous de ces années de combat et de mobilisation?
Un souvenir très positif bien sûr. Grâce aux mobilisations, aux manifestations, on a réussi à imposer la régularisation à l’agenda politique. C’était à force de mobiliser, mais aussi de sensibiliser la population. Une autre source de fierté vient des critères de régularisation choisis par le gouvernement, dont une bonne partie est inspirée du projet de loi Udep que nous avions proposé à l’époque. C’est important pour moi que ces critères aient été repris, même si nous souhaitions une régularisation plus vaste et plus souple.
Grâce aux mobilisations, aux manifestations, on a réussi à imposer la régularisation à l’agenda politique.
Cette époque est néanmoins marquée par quelques regrets, surtout au vu de l’état actuel du mouvement, très divisé, où plusieurs petits groupes se replient, notamment sur une base communautaire, c’est décevant. L’idée pour laquelle je travaillais était à l’opposé: un mouvement de tous les sans-papiers, au-delà des communautés, avec des visées de long terme, un lieu d’expression et de mobilisations. Nous avions même tenté de créer un syndicat. Je pense qu’un tel mouvement devrait encore exister même s’il y a eu une régularisation. Des gens passeront toujours à côté des critères et il est nécessaire qu’une plate-forme autonome prenne vie pour relayer leur voix et essaie d’obtenir de nouveaux droits.
Avec le recul, comment expliquez-vous qu’après des années de lutte, ce mouvement ait finalement remporté une victoire, même imparfaite?
C’est surtout grâce au soutien d’une partie de la population belge. Sans ce soutien, nous ne nous serions jamais fait entendre. Il faut dire que la presse, en nous donnant une place, a joué un rôle important, mais aussi les universités en nous invitant à nous exprimer, tout ça a contribué à ce que la population belge nous ouvre les bras.