Analyse des obstacles rencontrés par les professionnel·les de santé étranger·ères en Belgique
En novembre 2024, la conférence organisée par le CIRÉ, intitulée "Ceci n’est pas une pénurie: exercer le métier d’infirmier et d’infirmière ou d’aide-soignant·e à Bruxelles en tant que détenteur ou détentrice d’un diplôme étranger: un parcours semé d’embûches", a mis en lumière les obstacles rencontrés par les professionnel·les de santé étranger·ères en Belgique. Cette conférence visait à sensibiliser sur les difficultés administratives liées à la reconnaissance des diplômes, ainsi qu’à promouvoir une meilleure intégration des professionnel·les de santé étranger·ères sur le marché du travail, notamment dans un contexte de pénurie de personnel soignant.
La crise sanitaire de la COVID a mis en lumière, de manière brutale et incontestable, les carences structurelles de nos systèmes de santé. Nous avons vu à quel point le manque de personnel qualifié pouvait peser sur la qualité des soins et l’efficacité de notre système de santé. Par ailleurs, cette crise a révélé un paradoxe: une pénurie de main-d’œuvre dans le secteur des soins, alors qu’il existe de nombreux·ses professionnel·les étranger·ères qualifié·es en Belgique, qui se voient dans l’impossibilité d’exercer leur métier, particulièrement en raison des difficultés liées à la reconnaissance de leurs diplômes.
En effet, la Belgique accueille chaque année de nombreuses personnes qualifiées qui pourraient jouer un rôle clé dans nos hôpitaux, maisons de repos et centres de soins. Pourtant, les barrières administratives et la complexité des équivalences de diplômes limitent sévèrement l’accès au marché du travail.
En affirmant "Ceci n’est pas une pénurie", le CIRÉ tient à souligner que le problème n’est pas uniquement le manque de professionnel·les de la santé disponibles, mais plutôt la manière dont leur intégration dans le monde professionnel belge est encadrée. Il est crucial de se demander si les règles et les pratiques actuelles permettent réellement de répondre aux besoins du secteur, ou si elles contribuent au contraire à maintenir des talents qualifiés en marge du système. La crise sanitaire a montré que les talents étrangers ne sont pas un supplément, mais une nécessité pour renforcer notre système de santé en situation de pénurie structurelle depuis plusieurs décennies.
Les témoignages recueillis lors de cette conférence, qu’ils proviennent de soignant·es confronté·es aux lourdeurs administratives, d’institutions hospitalières en manque de personnel, ou d’expert·es du secteur ont confirmé que l’accès à la profession pour les diplômé·es étranger·ères est freiné par des mécanismes rigides et souvent injustifiés. Cette conférence a permis de poser les bases d’une réflexion plus large et a souligné l’urgence d’une analyse détaillée des blocages institutionnels et des solutions possibles.
En outre, le service "Travail, Équivalences et Formation" (TEF) du CIRÉ, grâce à son accompagnement direct des migrant·es, fait le constat suivant: la multiplication des cas de personnes étrangères bloquées dans leurs parcours d’insertion montre que la problématique dépasse le cadre individuel et relève d’un véritable dysfonctionnement structurel. Ce constat est d’autant plus problématique qu’il concerne des professionnel·les étranger·ères issu·es des métiers de la santé, secteur pourtant le plus touché par la pénurie de main-d’œuvre.
C’est sur base de cette expertise de terrain et de l’éclairage apporté par la conférence que nous avons décidé de réaliser cette étude, afin de mieux documenter ces obstacles et de proposer des pistes d’action pour que les talents étrangers puissent enfin être reconnus à leur juste valeur dans le secteur des soins de santé.
Dans cette étude, nous avons fait le choix de nous concentrer exclusivement sur les métiers d’infirmier·ères et d’aide-soignant·es. La reconnaissance des qualifications dans les métiers de la santé étant un sujet vaste et complexe, il n’était pas possible d’aborder l’ensemble des professions en un seul document.
Dans un premier temps, nous nous penchons sur les multiples facteurs qui contribuent à la pénurie persistante d’infirmier·ères et d’aide-soignant·es, en analysant les difficultés de recrutement et les incohérences du système actuel. Alors que le manque de personnel soignant est souvent présenté comme une fatalité, nous mettons en évidence une opportunité largement sous-exploitée: celle des professionnel·les étranger·ères qualifié·es, entravé·es par des obstacles administratifs et structurels qui les empêchent d’exercer leur métier.
En prenant comme point de départ le témoignage de Maria (infirmière libanaise confrontée à la complexité du système de reconnaissance des diplômes), nous illustrons dans un second temps comment des parcours d’excellence sont systématiquement dévalorisés.
Dans cette étude, nous soulignons les différents freins à l’intégration des diplômé·es étranger·ères, qu’ils soient liés à la rigidité des critères académiques, au manque de coordination entre les institutions, aux contraintes budgétaires, ou encore à la résistance au changement des pouvoirs publics.
Pour autant, des éléments encourageants émergent. Une prise de conscience collective, portée par les acteur·trices du secteur, et une nouvelle législature qui pourrait ouvrir la voie à des réformes structurelles. L’exemple de la Communauté flamande, qui a mis en place des mécanismes plus souples pour la reconnaissance des compétences, constitue une source d’inspiration pour la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB).
Enfin, nous exposons les revendications du CIRÉ, qui appelle à une réforme en profondeur des procédures d’équivalence et à une reconnaissance plus juste des qualifications des soignant·es étranger·ères.