Après plus de vingt ans d’occupation par des forces armées internationales, l’Afghanistan a subi un nouveau chamboulement le 15 août 2021: la prise de pouvoir du pays par les Talibans. Celle-ci a eu des conséquences très importantes pour la population locale, que cela soit au niveau de sa sécurité, de sa liberté et de ses conditions de vie. Tout a changé, en pire.
En Belgique également, cela a eu des conséquences importantes. D’une part, la fuite de bon nombre d’Afghan·es vers le Pakistan, l’Iran, mais également l’Europe a augmenté les besoins d’accueil de cette population, tout comme cela a poussé des personnes déjà présentes auparavant sur notre territoire à introduire une nouvelle demande d’asile. Nous avions déjà réalisé en février 2022 une première analyse quant à l’accès au territoire, à l’asile et au séjour pour les Afghan·es. Il s’agira ici de rentrer davantage dans le détail de la protection internationale et de son interprétation par les instances d’asile belges.
Le 16 août 2021, soit le lendemain de la prise de pouvoir de Kaboul par les Talibans, le CGRA communiquait sur son site internet, disant suspendre “de manière partielle et temporaire la notification des décisions des demandeurs afghans”. Cette suspension, prévue initialement jusqu’au mois de septembre, aura duré bien plus longtemps. S’il est nécessaire d’avoir un examen des demandes d’asile basé sur des éléments factuels et objectifs, cette attente a des conséquences importantes pour les personnes qui les subissent et qui patientent des mois – parfois des années – dans les centres d’accueil de Belgique. La première partie de cette analyse sera consacrée à l’analyse de ce gel partiel de l’examen des demandes d’asile.
Le statut de réfugié, qui a continué à être reconnu sans interruption, est devenu depuis mars la première voie d’entrée dans la protection internationale pour les Afghan·es. Alors qu’en 2017, sur l’ensemble des décisions de reconnaissance d’un besoin de protection internationale émises à l’égard d’Afghan·es, 57% étaient des statuts de protection subsidiaire, pour 43% de statuts de réfugié. A travers cette analyse, nous expliquerons les raisons de ce renversement et analyserons ce qui constitue désormais la nouvelle politique d’asile du CGRA.
Enfin, nous nous attarderons sur le sort réservé aux centaines de demandeur·euses de protection afghan·es débouté·es de l’asile, qui ne peuvent néanmoins rentrer dans leur pays d’origine sans risque pour leur vie; nous aborderons l’inéloignabilité. Face à ce qui semble à première vue être une incohérence du système d’asile – la non reconnaissance d’un besoin de protection accompagnée de la reconnaissance d’un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans le pays d’origine -, nous proposerons une solution simple et salvatrice pour celles et ceux ayant fui la dictature talibane.