Migration économique : qu’en pensent les patrons ?

Malgré la crise économique, les souhaits des employeurs sont les mêmes depuis trois ans: ils sont toujours demandeurs de travailleurs migrants.

En 2008, la question de la migration économique était sur toutes les lèvres. De la Ministre de la Politique d’asile et de migration de l’époque aux représentants du monde patronal, en passant par la Commission européenne, tous s’accordaient sur la nécessité de pouvoir ouvrir les frontières au moins pour les travailleurs hautement qualifiés originaires de pays tiers. Trois ans plus tard, où en est-on? Pour Michèle Claus, conseillère au département social de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) en charge des questions migratoires, même si la crise économique est passée par là, les demandes des employeurs en matière de migration économique restent les mêmes. Notamment parce que pouvoir disposer d’une main-d’œuvre étrangère qualifiée est particulièrement apprécié par les employeurs.

En 2008, la FEB avait une position claire sur la migration économique. Cette position a-elle changé aujourd’hui?

La FEB reste partisane d’une migration économique souple visant à pallier les carences visibles sur le marché du travail. Et ce, tant pour les personnes hautement qualifiées que pour les personnes moins qualifiées. Avec l’évolution démographique et le vieillissement de la population, un des défis majeurs auxquels les pays européens sont et seront confrontés dans les prochaines décennies est la pénurie de personnel.

Trois ans après la crise, les besoins sur le marché du travail restent les mêmes?

Fondamentalement, oui. On sent du côté des entreprises que les besoins en termes de main-d’œuvre sont toujours bien réels, notamment pour des profils hautement qualifiés, mais pas uniquement. Il y a aussi des métiers du type “technicien qualifié”, où les besoins sont énormes, comme les soudeurs. Ensuite, il y a les métiers d’exécution, nécessitant une main-d’œuvre moins qualifiée mais pour lesquels les candidats ne se bousculent pas au portillon. Les employeurs ne cherchent pas seulement des profils extrêmement qualifiés, mais toutes sortes de profils. Et si on ne les trouve pas ici, nous pensons qu’il faut pouvoir les chercher ailleurs.

Pourquoi faire appel à des personnes d’origine étrangère et ne pas former les demandeurs d’emploi ici?

Il faut former les demandeurs d’emploi! Mais les carences sont parfois tellement importantes en termes de formation (langues, filières techniques…) qu’il est devenu difficile de trouver la “perle rare”. Et pour certains métiers moins qualifiés, les personnes qui sont au chômage, certaines depuis des années, sont parfois réticentes à travailler pour un salaire qu’elles estiment n’être pas beaucoup plus intéressant que le chômage, ou parce qu’elles considèrent que la mission est trop pénible. Il faut pouvoir proposer des formations aux chômeurs qui souhaitent réintégrer le marché du travail, et les organismes de formation régionaux font beaucoup d’efforts. Mais ça ne suffit pas pour résoudre le paradoxe entre un nombre très élevé de fonctions vacantes et un nombre important de chômeurs.

Vos demandes en matière de migrations économiques visent surtout certaines catégories de personnes?

La liste des métiers en pénurie n’a pas beaucoup changé depuis 20 ans: soudeur, secrétaire, infirmière, aide-soignante, mécanique, travail du bois… la liste est longue. Et quand il n’y a pas de possibilité de trouver certains profils, nous demandons à pouvoir aller chercher des personnes en-dehors de nos frontières. Il ne faut pas être peureux vis-à-vis de l’immigration… Tout en ne faisant pas n’importe quoi. Qu’est-ce qui se passe quand on n’ouvre pas les frontières? Les personnes les plus entreprenantes, celles qui veulent travailler et réussir partent ailleurs, dans un autre pays européen ou Outre-Atlantique. L’attrait des autres pays est fort et du côté de la FEB, nous estimons qu’il faut permettre à certains migrants d’accéder plus facilement à notre marché du travail. Du point de vue des entreprises, pouvoir accepter une diversité de travailleurs, et au besoin des travailleurs étrangers, nous paraît profitable.

Vous parlez de tout type de profils, mais les choses avancent surtout pour les travailleurs hautement qualifiés, à l’image de ce qui se prépare au niveau européen avec le projet de “Blue Card”?

C’est vrai que nos demandes portent plus sur les personnes qui possèdent des compétences spécifiques ou techniques. Grâce à la migration économique, on va pouvoir attirer des personnes qui possèdent des qualifications professionnelles recherchées, et qui ont aussi une “éthique de travail”. Des personnes qui ont envie de faire les choses à fond, d’accepter de finir un travail même si c’est en heures supplémentaires, pour gagner correctement leur vie. Nous sommes favorables à un système qui pourrait se rapprocher de celui de la “Green Card” aux États-Unis. Dans ce sens, la proposition européenne de “Blue Card” est intéressante, si ce n’est qu’elle s’adresse exclusivement aux travailleurs étrangers hautement qualifiés. On œuvre actuellement à la transposition en droit belge de cette directive européenne.

Cette main-d’œuvre étrangère est-elle très différente des travailleurs belges?

Engager un travailleur originaire de pays tiers n’est jamais pratique pour une entreprise, vu tous les obstacles administratifs et matériels. Mais les employeurs demandent à pouvoir faire venir des profils de ce type. Parce que ces personnes arrivent avec un état d’esprit différent. En général, ce sont celles qui ont envie de réussir qui prennent le risque d’aller travailler dans un pays qu’elles ne connaissent pas bien. Le plus souvent, elles sont volontaires et dotées d’une certaine ambition. Ce qui est bénéfique pour une entreprise. 

Propos recueillis par François Corbiau

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