Crapules, agents dociles ou héros discrets? Entre 1940 et 1944, la question s’est posée quant au comportement de policiers envers les Juifs et les Tsiganes. Et aujourd’hui, comment se transpose-t-elle?
Quinze policiers examinent des photos de déportation de civils. La scène se passe à Malines, à la caserne Dossin. Un lieu lourdement chargé puisque 25.482 Juifs et 352 Roms, raflés par la police ou dénoncés, y ont été parqués entre 1942 et 1944, avant d’être convoyés pour la plupart à Auschwitz, où seuls 5% d’entre eux survivront.
Devenu un mémorial, musée et centre de documentation sur l’Holocauste et les droits de l’Homme, la caserne accueille une formation d’un jour, “Holocauste, police et droits de l’Homme”, proposée par l’Académie nationale de Police et adressée à des policiers de tous grades. C’est la formation qui compte le plus d’inscrits, même si elle n’est pas obligatoire. Quatorze hommes et une femme s’y retrouvent, “par hasard” ou “par intérêt pour le thème”, pour jeter des ponts entre passé, présent et futur.
Le groupe déambule dans le musée. Il se montre concerné, recueilli, parfois choqué par les documents d’époque, comme les listes des Juifs dressées quartier par quartier. “Tout pourrait très vite recommencer”, “Qui j’aurais été? Un mouton ou un chien?”. L’empathie est unanimement partagée.
C’est pas gagné
Après la visite, le ton change : ils interagissent à partir de trois cas concrets de discrimination des étrangers ou des femmes, des cas qu’ils sont amenés à rencontrer sur le terrain. Le débat est ouvert avec plus ou moins de conviction et de nuances, et une pincée d’agacement chez certains (“Pfff, encore un truc de gauchos sur les discriminations!”, ou “Faut comparer ce qui est comparable. Aujourd’hui et sous l’Occupation, ce n’est pas la même chose”).
Il est difficile d’évaluer ce qu’ils retirent de cette formation, d’autant que le lien entre passé et présent n’est pas évident à tisser. Et pourtant, le sujet apparaît brûlant d’actualité, notamment lorsqu’on considère la place des Roms dans la société, ou l’accueil des étrangers. Quoi qu’il advienne, le débat a eu le mérite d’être lancé avec audace. De garant de l’ordre public, la police, peut, doit transgresser cet ordre au nom d’un intérêt public supérieur. Face aux violations des droits de l’Homme, une résistance active, un refus d’obéir aux ordres, ou un sabotage silencieux reste des choix possibles. Comme ce fut le cas entre 1942 et 1944.