1974: “stop migratoire”. 2007: en Belgique, un gouvernement remet la migration économique à son programme. 2011: la crise financière et la remontée du chômage éloignent à nouveau cette perspective. Comment le syndicat s’adapte-t-il?
La Belgique renonce à relancer la migration économique. Pour un syndicaliste, c’est une bonne nouvelle?
Aujourd’hui pas plus qu’hier nous ne sommes partisans de la migration économique dans sa version utilitariste, telle que proposée, avant la crise financière, par Nicolas Sarkozy et la droite belge. Nous étions d’ailleurs également réticents à l’égard de la campagne de régularisation par le travail, initiée par le gouvernement (désormais en affaires courantes) d’Yves Leterme. Il ne s’agit pas, ici, de répondre aux “besoins de l’économie” mais bien de permettre à des travailleurs de sortir de la précarité et de l’exploitation dont ils sont victimes. Enfin, en ce qui concerne les travailleurs sans papiers, il convient – de notre point de vue – que les Régions leur accordent un permis de travail sans analyse du marché du travail, dans la mesure où il ne s’agit pas, ici, de répondre aux “besoins de l’économie” mais bien de permettre à des travailleurs de sortir de la précarité et de l’exploitation dont ils sont victimes.
S’il est vrai que, pour le moment, en Belgique, la migration économique n’est plus à l’ordre du jour des discours patronaux et politiques (contrairement au repli sécuritaire: pensons notamment aux restrictions apportées au regroupement familial), la question demeure bel et bien d’actualité au niveau européen, ce qui a bien entendu des incidences sur notre législation, les directives européennes ayant vocation à être, ensuite transposées, en droit belge.
Or, la vision européenne reste essentiellement utilitariste. Il n’y est en aucun cas question de se donner comme objectif l’intégration des travailleurs migrants et de leur famille dans les pays d’accueil, ni d’interroger les conditions de travail et de salaire des emplois que l’on cherche à pourvoir par la migration économique…
Pensons notamment à la proposition de directive “Permis unique” du Parlement européen1, à la directive concernant les travailleurs saisonniers, ressortissants de pays tiers, ou encore à l’Arrêté royal en cours d’élaboration en Belgique prévoyant un cadre pour l’obtention d’une “blue card” européenne (réservée, faut-il le préciser, à des travailleurs hautement qualifiés)
Finalement, la nouveauté de l’immigration du travail, n’est-ce pas que celle-ci est devenue surtout intra-européenne?
La crise des travailleurs sans papiers a braqué les projecteurs sur les problèmes sociaux liés à la poursuite des migrations ouvrières extra-européennes. Le mythe de la fermeture des frontières a volé en éclat. Les syndicats ont été amenés à prendre publiquement position, à faire campagne, aussi, aux côtés des ONG et à prendre, en interne, des dispositions pour accueillir au mieux ces travailleurs en errance sociale.La crise des travailleurs sans papiers a braqué les projecteurs sur les problèmes sociaux liés à la poursuite des migrations ouvrières extra-européennes. En réalité, tout cela a quelque peu occulté les problèmes que peuvent soulever les migrations ouvrières intra-européennes, tout à fait légales, elles. Avouons-le: nous ne disposons pas, à l’heure qu’il est, d’une bonne représentation des problèmes que cela pose puisqu’une partie importante de ces mouvements migratoires se produisent à la marge du marché du travail et des grandes entreprises.
À Bruxelles, sont certainement concernés les secteurs des services en sous-traitance, qui nécessitent un important volet de main-d’œuvre ouvrière: je pense à la construction, au nettoyage, à l’horeca, au gardiennage… à titre emblématique, les anciens “plombiers polonais”, qui venaient, jusqu’il y a peu, travailler clandestinement en Belgique, ont aujourd’hui créé leurs propres sociétés et exercent en toute légalité sur le sol européen. Et c’est très bien ainsi. Les problèmes syndicaux que cela soulève sont évidemment nombreux. Cependant, ils ne relèvent plus à proprement parler de la politique migratoire mais du développement des sous-traitances en cascade et de la déconcentration du travail qui “fracturent” littéralement l’action collective. À la FGTB de Bruxelles, nous avons initié un large débat interne pour adapter les stratégies syndicales à cette réalité…très urbaine.
Au sein du syndicat, comment se passe l’intégration de ces nouveaux travailleurs migrants? Tout baigne?
Rien, évidemment, ne nous permet de dire que l’ostracisme et la xénophobie sont désormais absents des relations entre travailleurs, dans une Région aussi ouverte sur le monde que Bruxelles. Mais la FGTB mène campagne, depuis de très nombreuses années, contre le racisme et les discriminations au travail. Nous participons également à la politique de diversité et menons un travail permanent de sensibilisation et de formation de nos délégués en entreprise. Je suis d’avis que, si des comportements xénophobes persistent, ils sont désormais “confinés”. Quoi qu’il en soit, d’importants efforts sont faits, sur le terrain, par les centrales professionnelles et par l’organisation interprofessionnelle pour (au-delà du slogan un peu facile!) unir le monde du travail et renforcer la solidarité entre tous les travailleurs. Cela passe, à titre d’exemple concret, par un effort particulier pour traduire nos brochures et les publier dans d’autres langues que le français et le néerlandais…