Dans un article consacré aux sans-papiers, nous émettions déjà de sérieux doutes sur la procédure de régularisation par le travail. Le principe était simple : un sans-papiers qui obtenait une promesse d’embauche d’un employeur potentiel pouvait espérer être régularisé sur cette base, si le contrat donnait accès au salaire minimum légal. Les points noirs étaient notamment les démarches que devaient accomplir les futurs employeurs afin d’obtenir un permis B pour pouvoir engager un sans-papiers. À cela s’ajoutait le délai souvent très long entre l’acceptation conditionnelle par l’Office des étrangers (OE) du dossier de régularisation et le feu vert définitif des Régions compétentes en matière de permis de travail.
Deux ans plus tard, sur base des premiers éléments chiffrés reçus, la régularisation par le travail semble bien être le “miroir aux alouettes” que nous craignions. Certes, elle a permis à plusieurs personnes d’être régularisées. C’est le cas notamment des femmes de ménage qui avaient une clientèle chez qui elles travaillaient déjà au noir. Elles ont pu être engagées par des sociétés de titres-services qui leur ont plutôt réservé bon accueil puisqu’elles amenaient de nouveaux clients.
Pour les autres, la régularisation par le travail s’apparente à un parcours du combattant, le délai entre la décision de l’OE et l’octroi d’un permis de travail ayant hypothéqué cette procédure. Deux ans après le début de la campagne de régularisation, certains sans-papiers attendent toujours leur permis de travail. Or, un employeur qui fait une promesse d’emploi vise un engagement à court terme. La régularisation par le travail semble bien être le “miroir aux alouettes” que nous craignions.De nombreux sans-papiers ont dû attendre plusieurs mois, voire des années avant d’obtenir un permis pour débuter leur travail auprès de cet employeur qui souvent, avait déjà engagé quelqu’un d’autre… Avec, pour conséquence, la nécessité de trouver un nouvel employeur crédible endéans les 3 mois sous peine de voir toute la procédure annulée. Mission impossible pour la plupart. Et pour les autres, la porte ouverte aux abus. Beaucoup de ces contrats ont été monnayés au prix fort ou ont fait l’objet d’un accord entre l’employeur et l’employé pour que ce dernier paie lui-même les charges patronales. Désespérés, certains ont cédé aux sirènes des “faux contrats” qu’ils se voyaient proposer. Ils ont parfois déboursé de 5000 à 7000 euros pour obtenir un contrat bidon qui a évidemment été démasqué au premier contrôle de la Région…
Il est déjà sûr que la procédure n’aura pas permis de “blanchir le travail au noir”. D’abord parce qu’elle proscrivait formellement que des personnes qui travaillaient déjà au noir chez des employeurs puissent être régularisées. Notre système économique actuel reposant notamment sur le travail au noir, l’idée d’une régularisation par le travail était vouée à l’échec.
Quant à l’idée que cette régularisation permettrait de créer des emplois qui apporteraient une première réponse aux métiers en pénurie, la complexité des procédures, les effets de la crise économique et le ralentissement de la croissance ont fait fondre les besoins de main-d’œuvre et ont brisé les ailes d’une procédure qui peinait déjà à décoller.