Stop aux idées fausses sur les réfugiés!

Le CNCD, le CIRÉ, la LDH et Amnesty international ont publié une carte blanche visant à déconstruire les idées fausses sur les réfugiés. Elle est parue dans l’Echo ce 7 octobre 2015.

A force de répéter des idées fausses, une partie de l’opinion finit par les croire. La technique a beau être connue, elle n’en reste pas moins utilisée à profusion par les forces politiques ayant intérêt à tirer profit des craintes légitimes qu’inspirent chez nombre de citoyens des enjeux mondiaux qui semblent insaisissables. La crise de l’asile, qui s’ajoute à celle de la zone euro, est un contexte idéal pour les national-populistes de tous poils, dont la rhétorique politique consiste à braquer des catégories de populations les unes contre les autres et à vouer aux gémonies les conventions internationales qui leur imposent de respecter les droits humains. Les idées fausses colportées ces dernières semaines en Belgique et en Europe à propos des réfugiés sont malheureusement nombreuses. Nous nous limiterons dès lors à en déconstruire quelques-unes qui nous semblent fondamentales.

Premièrement, l’affirmation, inlassablement répétée, selon laquelle l’Europe accueillerait toute la misère du monde sans en avoir les moyens est totalement erronée. Bien que nous vivons la plus grande crise des réfugiés depuis la Deuxième Guerre mondiale – avec le triste record de 59,9 millions de réfugiés en 2014, dont 19,5 millions en-dehors de leur pays –, l’Europe n’en accueille que 8%, contre 86% pour les pays en développement. Le coût de cet accueil n’est en rien excessif pour le budget des Etats européens : en Belgique, la dotation allouée à Fedasil a été d’environ 300 millions EUR en 2014, soit seulement 0,15% de la totalité des dépenses administratives du Gouvernement belge. Même si cette dotation est appelée à être augmentée en 2015, cela restera une part marginale de ces dépenses administratives. Pendant l’examen de leur dossier, les demandeurs d’asile n’ont en outre droit à aucune aide financière et disposent uniquement d’une aide matérielle fournie par Fedasil (logement, nourriture et accompagnement). Parmi ceux qui ont reçu le statut de réfugié, 55% sont quatre ans plus tard déjà actifs sur le marché du travail – soit un chiffre proche de la moyenne belge (65%).

Deuxièmement, les réfugiés ne sont en rien une menace pour la croissance économique, les emplois et les salaires européens. De nombreuses études démontrent au contraire que l’impact est plutôt positif. Selon l’OCDE, un immigré rapporte en moyenne 3.500 EUR de rentrées fiscales annuelles au pays qui l’accueille. Les études empiriques sur les vagues exceptionnelles d’immigration aboutissent aux mêmes conclusions : que ce soit la vague d’immigration cubaine ayant entraîné une hausse de 7% de la population active en Floride en 1980, l’immigration russe en Israël qui a entraîné une hausse de 14% de la population active entre 1989 et 1996 ou l’immigration massive des Allemands de l’Est en Allemagne de l’Ouest après la réunification, cela n’a pas eu d’impact négatif sur les emplois dans les pays d’accueil. Le marché du travail n’est en effet pas figé, comme le laisse penser l’image erronée d’un gâteau au nombre de portions limitées, mais dynamique, c’est-à-dire susceptible d’augmenter le nombre de portions en fonction du dynamisme de ses acteurs. Par ailleurs, l’évolution démographique et le vieillissement de la population européenne rendent l’immigration de plus en plus nécessaire pour pérenniser le modèle social européen. Le comble est que c’est en Hongrie où ces besoins sont les plus criants !

Troisièmement, l’Europe n’est en rien une “passoire” attirant les réfugiés parmi lesquels pourraient s’infiltrer des terroristes. D’une part, la Convention de Genève prévoit une clause d’exclusion pour les personnes suspectées d’avoir commis “un crime contre la paix, un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un crime grave de droit commun”, tandis que la réglementation européenne permet d’exclure les personnes qui constituent “une menace pour la société ou la sécurité”. Les Etats vérifient donc scrupuleusement les antécédents des demandeurs d’asile. D’autre part, l’Europe dépense des budgets aussi élevés qu’inefficaces pour bloquer ses frontières : près de 4 milliards EUR entre 2007 et 2013. Ces derniers temps, des barrières toujours plus sophistiquées sont dressées, à un tel point qu’il y aura bientôt plus de murs en Europe qu’au moment de la Guerre froide. Cela implique pour les migrants qui cherchent à fuir la guerre et la persécution d’emprunter des chemins sans cesse plus dangereux, au profit des passeurs et au prix de milliers de morts. A ce sujet, présenter la mort du petit Aylan comme une mise en scène ou Bagdad comme une ville paisible ne changera rien à la réalité : oui, il y a bien des êtres humains, parmi lesquels des enfants, qui meurent dans la Méditerranée qui a concentré en 2014 les trois-quarts des migrants morts en mer ; et oui, il y a une insécurité permanente et des attentats à Bagdad, dans un pays en conflit depuis la “guerre préventive” de 2003.

En conclusion, colporter des idées fausses peut éventuellement rapporter des voix aux élections, mais en aucun cas apporter les réponses adéquates à la crise des réfugiés, qui s’explique par la multiplication des conflits aux frontières de l’Europe et à la désunion européenne que cette situation suscite. Le repli sur soi est non seulement inefficace, mais également mortifère pour la construction européenne. A l’Europe forteresse souhaitée par certains, il faut opposer l’Europe des droits humains et de la solidarité internationale. Cela passe, d’une part, par une véritable politique migratoire européenne dans le respect des conventions internationales, et d’autre part, par la mobilisation de moyens suffisants pour garantir la paix et le développement en-dehors de l’Europe.

  • Arnaud Zacharie, CNCD
  • Caroline Intrand, CIRÉ
  • Alexis Deswaef, LDH
  • Philippe Hensmans, AMnesty international
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