La dénonciation hier, par le Tahrir Institute for Middle East Policy, de faits présumés de torture et de violence à l’encontre de ressortissants soudanais ayant été identifiés puis expulsés vers le Soudan, suite à la présence de la mission d’identification soudanaise en Belgique en septembre 2017 est la preuve évidente, s’ils sont confirmés, que le gouvernement Michel s’enferme dans sa tour d’ivoire, insensible et déconnecté totalement du vécu des populations migrantes vulnérables, des revendications des associations qui les soutiennent et du respect du droit international.
(Communiqué de presse — 21 décembre 2017) Le Premier ministre Charles Michel persiste et signe. Hier, sur le plateau de la RTBF, il a soutenu le discours et les décisions prises par le Secrétaire d’Etat à l’asile et la migration, Théo Francken. Dès le mois de septembre, toutes les associations de défense des droits humains avaient pourtant averti des graves risques que faisait courir une collaboration avec le Soudan.
“Que pouvions-nous faire d’autre ?” clame M. Michel. “Ils ne veulent pas demander l’asile en Belgique.”
Pourquoi alors ne pas choisir, comme la clause humanitaire1 du règlement Dublin le prévoit, d’instruire souverainement leur demande d’asile en Belgique et d’ainsi les rassurer qu’aucun renvoi ne serait fait vers l’Italie – et par ricochet vers le Soudan. Car la raison principale pour laquelle ils n’osent pas demander l’asile en Belgique est bien celle-là : la peur d’être implacablement renvoyés vers le pays d’entrée dans l’Union européenne, avant d’être refoulés au Soudan.
“Nous ne voulons pas d’un autre Calais”, renchérit Charles Michel.
Pourquoi alors ne pas avoir soutenu, dès 2016, comme demandé par les associations du secteur, la mise en place d’un centre d’accueil temporaire et d’orientation des migrants en transit, leur permettant, dans des conditions dignes, d’explorer les possibilités de séjour qui leur étaient offertes selon leur profil (demande d’asile, regroupement familial, retour volontaire etc). Aujourd’hui, le Centre d’accueil de Haren ne fonctionne que grâce à la plateforme citoyenne pour les réfugiés et sans fonds publics du fédéral.
“Nos services ont étudié leur dossiers personnels, le risque de torture n’était pas avéré”, affirme encore le Premier ministre.
Pourtant, les rapports d’associations telles qu’Amnesty et les témoignages de migrants refoulés recueillis sur le terrain par les mêmes acteurs attestaient, sans l’ombre d’un doute, du contraire. Le gouvernement a donc violé consciemment l’article 3 de la Convention européenne des DH empêchant toutes possibilités de refoulement2.
Le gouvernement Michel savait et n’a pas agi en respect de la dignité humaine et du droit international.
Il n’y a pas de pire sourd que celui qui ne veut entendre.
Communiqué de presse commun du CNCD-11.11.11, d’Amnesty International Belgique et du CIRÉ.
[1] Le règlement Dublin prévoit en effet une clause humanitaire qui permet à chaque Etat de se déclarer responsable de l’examen de la demande d’asile même s’il ne l’est pas sur base de l’application des critères. Les critères du règlement Dublin étant dans l’ordre d’importance: 1) l’Etat dans lequel se trouve un membre de la famille du demandeur d’asile, reconnu réfugié ou en procédure d’asile, 2) l’Etat pour lequel le demandeur d’asile dispose d’un titre de séjour valide ou périmé ou d’un visa valide ou périmé, 3) l’Etat par lequel la personne est entrée dans l’UE, 4) l’Etat dans lequel la personne a introduit sa première demande d’asile
[2] Le renvoi de migrants vers un pays où ils risquent de subir des traitements inhumains et dégradants est contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Un arrêt du Conseil du contentieux des étrangers a d’ailleurs ordonné en juillet 2017 la libération d’un Soudanais de 33 ans enfermé au centre 127 bis et que l’Office des étrangers entendait expulser. Un autre arrêt du 26 septembre a déclaré illégal l’ordre de quitter le territoire sur la base duquel un Soudanais était détenu. Livrer un demandeur d’asile au gouvernement du pays qu’il fuit est par ailleurs contraire à la Convention de Genève – et ce même si la demande d’asile a été déposée dans un autre Etat membre de l’UE.