Des deux côtés de la Méditerranée, on partage une vision sécuritaire des migrations. L’externalisation de la gestion des frontières, le renforcement des systèmes de surveillance via Frontex et Eurosur ainsi que l’instrumentalisation de l’aide publique au développement visant à fixer les populations dans leurs pays d’origine restent les outils phares de sa mise en œuvre.
Au lendemain du 4ème sommet UE-Afrique qui s’est tenu les 2 et 3 avril 2014 à Bruxelles, les chefs d’États et de gouvernements de l’UE et de l’Afrique, le Président du Conseil européen, le Président de la Commission européenne, le Président de l’Union africaine (UA) et le Président de la Commission de l’UA déclarent “être particulièrement fiers de l’étendue et de la profondeur de leur partenariat”. Le Président du Conseil européen Herman Van Rompuy est ravi, c’est “une véritable avancée pour encadrer l’immigration” dit-il.
Pourtant, rien de neuf ni d’encourageant ne se dessine. Chacune des trois déclarations officielles émanant du sommet, dont une spécialement consacrée “à la migration et à la mobilité”, s’inscrit dans la continuité et le renforcement de l’approche globale des migrations promue par l’UE depuis 2005. La feuille de route commune de 2014-2017 propose une collaboration euro-africaine centrée notamment sur la lutte contre le trafic d’êtres humains, le renforcement de la gestion des migrations ainsi que la lutte contre l’immigration irrégulière. Pour ce faire, des dispositions sont prévues en matière d’expulsion, mais aussi des mesures pour “favoriser l’emploi de la jeunesse”, présentées comme des alternatives à la migration irrégulière. Ces mesures cosmétiques nient les causes profondes des inégalités Nord-Sud génératrices, entre autre, de mouvements de population entre l’Afrique et l’Europe.
Paradoxalement, les déclarants reconnaissent “être profondément préoccupés par les graves conséquences sociales et humaines de l’immigration irrégulière et les pertes de vies humaines qui en découlent” et se déclarent “plus que jamais déterminés à agir pour éviter à l’avenir de telles tragédies”. Pour cela, ils proposent d’agir, main dans la main, “en s’attaquant effectivement à l’immigration clandestine et en adoptant une approche globale pour une gestion de la migration, dans le cadre d’un strict respect des droits de l’homme et de la dignité humaine”.
Comment continuer à croire la rhétorique mensongère de l’UE et de l’UA, alors que c’est justement cette politique de fermeture des frontières qui génère des migrations irrégulières et qui cause la mort de milliers de migrants aux frontières extérieures de l’Europe et dans les pays de transit en Afrique ? En effet, les migrants sont obligés d’emprunter des chemins de plus en plus dangereux afin de déjouer les contrôles, et de recourir aux passeurs, ce qui les rend d’autant plus vulnérables face au déploiement des réseaux de trafic d’êtres humains.
Associations européennes et africaines de défense des droits des migrants, membres du réseau Migreurop, nous condamnons les résultats de ce 4ème sommet UE-Afrique qui révèlent une fois de plus l’aveuglement des politiques migratoires euro-africaines, l’irresponsabilité et le cynisme de leurs auteurs. Des auteurs qui doivent être identifiés comme responsables de la mort d’hommes, de femmes et d’enfants aux frontières de l’UE. La vision et les objectifs sur lesquels repose le partenariat UE-Afrique annonce inévitablement la recrudescence de futures violations des droits, de souffrances et de pertes de vies humaines pour les migrants en quête de dignité.