À la veille de la rentrée académique, le secrétaire d’État à l’asile et à la migration annonce un durcissement des conditions de reconnaissance des visas étudiants1. Car les abus sont légion, prévient-il: derrière de prétendus étudiants, se cachent en réalité de nombreux migrants ! La mesure dont il parle ici fait en fait référence à la directive européenne de mai 2016 relative, entre autres, au séjour des étudiants étrangers2 et à l’Arrêté royal qui la transpose. Textes qui ne visent pas à mettre fin aux abus, mais bien à encourager la mobilité des étudiants au sein de l’UE. Au-delà des amalgames désormais habituels, la lecture qu’il livre de la directive est tronquée, partielle et partiale.
L’Arrêté royal dont il est question date d’avril 2018. Pourquoi donc en faire mention quatre mois plus tard si, effectivement, ses dispositions coïncident avec le raidissement général de la politique envers les étrangers menée par le gouvernement? Devrions-nous penser qu’il fallait se saisir de cette période de rentrée scolaire et académique pour faire porter sur une autre catégorie d’étrangers les soupçons de fraude et d’abus dont d’autres sont déjà tellement accablées? Ou pour décourager ceux qui auraient souhaité venir se former en Belgique?
Car l’objectif de la directive est autre. Il s’agit d’adapter la règlementation au nouveau système d’enseignement européen (les trois cycles bachelor-master-doctorat et le système des crédits), mais aussi de favoriser la mobilité des étudiants et des chercheurs au sein de l’UE et de leur permettre de prolonger leur séjour pendant neuf mois, pour des fins de recherche d’emploi ou de création d’entreprise. Des modifications législatives pour permettre cette prolongation du séjour sont d’ailleurs prévues dans la note de politique générale sur l’asile et la migration d’octobre 2017, avec une finalité que le secrétaire d’État omet: “Cela permettra aux diplômés et aux doctorants d’être engagés dans notre économie, l’objectif étant que la migration estudiantine fasse à l’avenir partie intégrante de la migration active”.
En outre, la directive européenne considère que les étudiants ressortissants de pays tiers sont une richesse pour l’UE et pour leurs pays d’origine respectifs. “La migration aux fins énoncées dans la présente directive devrait stimuler la production et l’acquisition de connaissances et de compétences. Elle constitue une forme d’enrichissement mutuel pour les migrants qui en bénéficient, leur pays d’origine et l’État membre concerné, tout en renforçant les liens culturels et en développant la diversité culturelle”.
La note de politique générale d’octobre 2017 précise, elle, que la migration estudiantine “constitue une valeur ajoutée concrète pour l’étudiant ainsi que pour la communauté académique de notre pays. L’arrivée d’étudiants étrangers doit donc être encouragée, sans toutefois encourager la fuite des cerveaux de ces pays d’origine”. Si le texte ajoute “qu’il convient de rester vigilant pour éviter les abus de ce canal migratoire”, on est bien loin de la menace d’abus brandie par le secrétaire d’État…
Nous ne voyons donc, dans les déclarations publiées hier, rien d’autre qu’une “sortie médiatique” inappropriée, inexacte et inutile. Et nous souhaitons à tous les étudiants étrangers une bonne rentrée, dans nos universités et hautes écoles hospitalières.
Signataires
FEF, CIRÉ, CNCD-11.11.11
[1] Voir De Morgen, 30 août 2018 https://www.demorgen.be/binnenland/overheid-verscherpt-regels-voor-studentenvisa-om-misbruik-te-voorkomen-b5a4fede/
[2] Directive 2016/801 du 11 mai 2016, relative aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d’études, de formation, de volontariat et de programme d’échange d’élèves ou de projet éducatifs et de travail au pair.