Nouvelle liste de "pays sûrs" : la politique de dissuasion renforcée – Communiqué de presse – 20 juillet

Le gouvernement a publié le mercredi 20 juillet 2016, comme chaque année, sa nouvelle liste de « pays sûrs », laquelle impose aux demandeurs d’asile originaires de ces pays une procédure d’asile accélérée. En plus de l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, du Kosovo, de l’Inde, de la Macédoine, du Monténégro et de la Serbie, pays déjà présents l’année dernière, la liste comprend maintenant la Géorgie. L’ADDE, Amnesty International, le CIRÉ, la Ligue des droits de l’Homme et Vluchtelingenwerk Vlaanderen restent fermement opposés au recours à la notion de « pays sûr » et à l’usage d’une telle liste.

Avec cette nouvelle liste, la Belgique fait un pas de plus dans sa politique de dissuasion envers les demandeurs d’asile. En estimant que les personnes venant des pays concernés n’ont a priori pas besoin de protection, les autorités visent à les décourager de venir demander l’asile en Belgique. En effet, à l’inverse de ce qui se passe pour les autres demandeurs d’asile, les ressortissants de pays sûrs doivent prouver que leur pays n’est pas sûr et qu’ils craignent avec raison d’y être persécutés ou d’y subir une atteinte grave ; il s’agit d’une procédure particulière et accélérée.

Au-delà de la question de la procédure encadrée par le droit européen, le principe même d’instaurer une liste de « pays sûrs » est problématique. Le facteur de sécurité d’un pays ne devrait jamais être évalué de manière générale et abstraite. Certains demandeurs d’asile sont victimes dans ces pays dits « sûrs » de discriminations répétées, de persécutions et d’autres atteintes à leurs droits fondamentaux.

Le cas de l’Albanie en est la preuve : de nombreuses personnes originaires de ces pays se voient reconnaître le statut de réfugiés par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA). Le Conseil d’État a d’ailleurs, par quatre fois (dont encore récemment par un arrêt du 23 juin 2016), donné raison aux associations qui ont introduit des recours contre cette liste en précisant que l’Albanie devrait en être retirée. La situation de la Géorgie, qui aurait été intégrée dans la liste contre l’avis du CGRA, est également préoccupante. Ce pays est le théâtre de deux conflits larvés, en Abkhazie et en Ossétie du Sud, qui pourraient éclater à tout moment. Ces régions ont proclamé leur indépendance mais font toujours officiellement partie de la Géorgie.

Enfin, les États européens n’évaluent pas de la même façon le caractère sûr d’un pays, puisque leurs listes diffèrent. Ces différences entre les listes élaborées par les États européens démontrent une fois de plus à quel point l’élaboration d’une liste de pays dits « sûrs » est non seulement difficile, voire impossible mais surtout absurde au regard de la situation du terrain.

Malgré cela, l’Union européenne (UE) prépare actuellement la base légale pour l’élaboration d’une liste européenne commune de pays d’origine sûrs. Cette liste risque de comporter non seulement certains pays des Balkans, mais aussi la Turquie, qui ne devrait pas figurer sur une telle liste. En effet, elle n’est un « pays d’origine sûr » ni pour ses propres ressortissants (nombreuses violations des droits humains par le régime turc envers les kurdes, la presse, les académiques, la magistrature…) ni pour les migrants et les réfugiés, comme l’UE essaie de le faire croire. Amnesty International a plusieurs fois documenté des cas de renvois forcés d’Afghans ou de Syriens depuis la fin de l’année dernière et même après la conclusion de la Déclaration UE-Turquie. À noter que les droits humains risquent plus encore d’être bafoués suite à la récente tentative de coup d’État, qui a conduit les autorités à procéder à une vague massive d’arrestations et qui pourrait les amener à rétablir la peine de mort.

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Jessica Blommaert

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