Ces dernières semaines, des témoignages de plus en plus nombreux nous parviennent, faisant état de violences, de plus en plus graves, lors de tentatives d’expulsions depuis les centres fermés belges. Des témoignages, de sources diverses, s’ajoutent les uns aux autres.
Réponse violente à résistance pacifique
Hier, une tentative d’expulsion violente a été filmée, et les images parlent d’elles-mêmes.
A., un jeune homme somalien, a fait l’objet d’une xème tentative d’expulsion après avoir passé près de 10 mois en centre fermé, alors même que la durée maximum d’enfermement est en principe de 4 mois.
Il a pu en échapper grâce à l’intervention courageuse de plusieurs passagers qui se sont levés et ont manifesté leur opposition à l’expulsion du jeune homme. Malgré cette résistance pacifique, des coups ont été portés tant au jeune homme qu’aux passagers le soutenant dans l’avion. Une des passagères a été convoquée par les autorités et risque des poursuites judiciaires.
Une tentative d’expulsion malgré une plainte toujours pendante
En juillet dernier déjà, lors d’une précédente tentative d’expulsion, le jeune somalien avait été brutalisé à différentes reprises durant la procédure d’éloignement. Il avait alors introduit une plainte auprès des autorités judiciaires pour “torture, traitements inhumains et dégradants, coups et blessures volontaires, détention arbitraire”. A ce jour, il n’a pas encore été entendu par la Justice à ce sujet.
Semira Adamu, 21 ans après: une application de la législation à géométrie variable
Il y a 21 ans, Semira Adamu avait été tuée par la police lors d’une tentative d’expulsion. Cet événement tragique avait provoqué l’émoi général et la Belgique avait pris des mesures d’encadrement de l’usage de la force prévu par la législation et des recommandations formulées par la Commission Vermeersch.
Nous constatons avec effroi qu’en réalité, ces réglementations ne sont pas appliquées par les agents. En pratique, on parle de coups et blessures, insultes racistes, menaces, usage des menottes durant de nombreuses heures, emploi de calmants sous la contrainte… Les balises mises en place au fil des années par la législation en matière d’éloignement des étrangers connaissent manifestement une application à géométrie variable.
La violence ne peut pas être utilisée à l’égard des personnes étrangères, même dans l’hypothèse d’une expulsion forcée du territoire. Elle n’est pas plus admise à l’égard de citoyens indignés et solidaires.
Nous demandons
- que l’expulsion de A. soit suspendue, le temps qu’une enquête sérieuse soit menée sur les mauvais traitements allégués,
- qu’un réel contrôle des expulsions soit mis en place,
- et qu’il soit mis fin à la criminalisation des passagers qui s’indignent et s’opposent à une expulsion jugée violente.
Nous invitons la Commission Bossuyt chargée de l’évaluation de la politique de détention et d’expulsion à tenir compte, dans son mandat et son prochain rapport, des conditions réelles dans lesquelles certaines expulsions sont opérées.
Il est urgent que les acteurs politiques prennent conscience de la réalité des traitements infligés aux personnes étrangères. A défaut, l’Histoire sera amenée à se répéter.
Signataires
- Sotieta Ngo, CIRÉ
- Pierre Verbeeren, Médecins du Monde Belgique
- Pierre-Arnaud Perrouty, Ligue des droits humains
- Baudouin Van Overstraeten, Jesuit Refugee Service Belgium
- Mehdi Kassou, Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés