Ce 15 mai 2013, l’arrêté royal établissant la liste des pays d’origine sûrs a été publié. Un air de déjà vu, car le gouvernement reprend les sept pays considérés comme sûrs l’année dernière. Les demandeurs d’asile originaires de ces pays continueront dès lors à être soumis à une procédure d’asile accélérée, qui ne respecte pas leurs droits fondamentaux. L’Association pour le droit des étrangers, le CIRÉ, la Ligue des droits de l’Homme, la Liga voor Mensenrechten et Vluchtelingenwerk Vlaanderen rappellent leur ferme opposition à l’établissement de telles listes.
La mise en oeuvre de la liste des pays d’origine sûrs composée de l’Albanie, la Bosnie- Herzégovine, la Macédoine, l’Inde, le Kosovo, le Monténégro et la Serbie démontre chaque jour la médiocre qualité de la procédure d’asile dite “accélérée”. Cette procédure a des conséquences lourdes pour le demandeur d’asile : alourdissement de la charge de la preuve de la persécution ou du traitement inhumain et dégradant, traitement express de la demande d’asile (délai de 15 jours en principe) et droit de recours contre un éventuel refus réduit et dépourvu d’effet suspensif.
De plus, le droit à l’accueil de ces demandeurs d’asile est limité. En effet, ils n’y ont plus droit à partir du moment où le CGRA décide de ne pas prendre en considération leur dossier, contrairement aux autres demandeurs d’asile en procédure, qui jouissent d’une aide matérielle tant en première instance qu’en instance d’appel.
Outre ces considérations procédurales, le choix des pays est bancal. Êtes-vous dans un pays “sûr” lorsque vous êtes sujets à des persécutions systématiques ? C’est ce que soutient précisément le gouvernement. En effet, certains demandeurs d’asile, et particulièrement ceux issus de minorités ethniques, entre autres Roms, sont victimes dans ces pays “sûrs” de discriminations répétées et d’atteintes à leurs droits fondamentaux bien connues et dénoncées depuis des années. Preuve en est même que des ressortissants de plusieurs des pays précités se sont vus régulièrement reconnaître le statut de réfugié à cause de persécutions subies dans leur pays d’origine. Pourquoi, dès lors que des persécutions sont avérées, considérer ces pays comme sûrs a priori ? Depuis l’adoption de la liste de pays sûrs, le CGRA a ainsi répondu positivement à 83 demandes d’asile d’Albanais et 20 de Kosovars, une même demande pouvant concerner plusieurs personnes. Cela démontre que des persécutions s’y produisent de manière non pas sporadique mais bien répétée, et que ces pays ne peuvent pas être considérés comme réellement “sûrs” pour tous leurs ressortissants. C’est aussi ce qu’a conclu le Conseil d’État français le 26 mars 2012, supprimant le Kosovo et l’Albanie de la liste de l’Hexagone.
Enfin, les différences entre les listes élaborées par les États européens démontrent que la liste des pays dits “sûrs” n’a rien d’évident et que les États n’évaluent pas de la même façon le degré de sûreté d’un pays.
L’auditeur du Conseil d’État belge abonde dans ce sens également, en ce qui concerne le Kosovo, dans un avis rendu dans le cadre de la procédure introduite par nos associations contre le premier arrêté royal établissant une liste de pays sûrs. Le Conseil d’État ne s’est pas encore prononcé définitivement sur ce recours. La bataille n’est donc pas finie, mais le gouvernement donne déjà un signal clair : il n’a pas l’intention de changer sa ligne de conduite malgré les conséquences scandaleuses et dramatiques de cet arrêté royal.
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