Carte blanche: pour nous, chaque personne compte: les sans-papiers aussi!

La semaine dernière, plus d’une centaine de personnes sans papiers ont installé un campement dans le parc de la Porte de Ninove, à Molenbeek. Cette nouvelle action visait à rendre visible la situation des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui survivent actuellement en Belgique sans titre de séjour. Le CIRÉ, la FGTB, la CSC et le MOC soutiennent l’action des collectifs de sans-papiers et rappellent que la régularisation n’est pas une faveur, mais une question de justice.

Régulariser n’est pas une faveur; c’est une question de justice!

Au cours des dix dernières années, la loi sur le séjour a été modifiée à soixante-trois reprises, précarisant les droits des personnes étrangères et réduisant de façon drastique les possibilités d’obtenir un titre de séjour. Élargissement des possibilités de retrait du statut de protection, limitation de la durée de séjour des réfugié·e·s, condition de revenus pour pouvoir vivre en famille, allongement de la durée de séjour temporaire, généralisation du séjour limité… On ne compte plus les réformes qui ont privé des personnes de leurs droits, ou les ont empêchées d’en obtenir. Dans la même logique, les demandes de séjour ont été rendues payantes, même pour des personnes n’ayant aucune possibilité de revenus légaux, rendant ainsi la régularisation humanitaire inaccessible pour bon nombre d’entre elles.

C’est précisément la loi qui empêche des couples mariés de vivre en famille légalement par absence de revenus suffisants, qui empêche des travailleur·euse·s d’obtenir un séjour sur base de leur travail en Belgique. L’application de la loi qui refuse la protection internationale à des personnes ayant fui la Syrie, l’Afghanistan, ou d’autres pays en conflits. À l’heure actuelle, même les Ukrainien·ne·s qui vivaient en Belgique sans titre de séjour avant février sont exclu·e·s de la protection temporaire.

Ce sont bien les orientations politiques prises par les gouvernements belges des dix dernières années et leur mise en application à travers des lois injustes et inhumaines qui sont à la source du problème. Or, tout comme il y a une différence entre lutter contre le chômage et lutter contre les chômeur·euse·s, il y a une différence entre lutter contre le séjour irrégulier et lutter contre les personnes en séjour irrégulier! Dès lors que c’est le cadre légal qui dysfonctionne et génère souffrance et injustice, régulariser les sans-papiers n’est pas une faveur à leur offrir, mais bien une question élémentaire de justice vis-à-vis des personnes qui en ont été les victimes.

Les sans-papiers sont déjà des citoyen·ne·s!

Les sans-papiers sont nos voisin·e·s, nos ami·e·s, nos proches. Ils et elles sont aides-soignant·e·s, infirmier·e·s, boulanger·e·s, pâtissier·e·s, travaillent dans l’Horeca, dans la construction, en maison de repos… Ils et elles font partie intégrante de la population de ce pays qui, pourtant, les laisse survivre sans accès au travail légal, sans accès à un logement décent et donc, sans accès à une vie digne.

Aux conditions de vie particulièrement dures dans lesquelles survivaient déjà les personnes sans papiers, le coronavirus est venu asséner un coup supplémentaire. La pandémie a fait plonger plusieurs milliers d’entre elles dans une pauvreté parfois absolue. Même s’ils étaient proposés dans des conditions d’exploitation extrêmes, les emplois informels se sont interrompus souvent du jour au lendemain, suscitant un lot de conséquences en cascade : perte de revenus, perte de logement, sentiment de n’avoir plus rien à perdre.

Comme la population belge, les sans-papiers ont subi les conséquences des mesures sanitaires. Et comme la population belge, ils et elles ont contribué à l’effort collectif, en fabriquant des masques à destination des citoyen·ne·s pendant la pandémie, ou en distribuant des colis alimentaires. Plusieurs d’entre elles et eux ont également participé bénévolement aux diverses initiatives de soutien aux sinistré·e·s des inondations durant l’été.

Ne rien prévoir en termes de régularisation dans l’accord de gouvernement était une erreur!

Pourtant, à l’heure où l’accueil et l’accès à une vie digne devraient être la règle, les sans-papiers sont une nouvelle fois laissé·e·s sur le carreau et privé·e·s des droits les plus élémentaires. Au lieu d’avoir de l’ambition face aux enjeux, le gouvernement s’acharne dans une voie sans issue et investit 100 millions d’euros supplémentaires dans ses centres fermés.

Ne pas prévoir d’objectivation de la politique de régularisation des sans-papiers dans l’accord de gouvernement était une erreur. Cette erreur a poussé près de cinq cents d’entre elles et eux à mener une grève de la faim de près de deux mois l’année dernière. Une erreur qui a poussé plus d’une centaine d’autres à dormir sous tente malgré la neige pour que leur voix soit enfin entendue par le monde politique la semaine dernière!

Sans réponse à leur situation, la détresse des sans-papiers ne va faire que s’accentuer. Leurs actions iront, à nouveau, crescendo. L’ensemble des collectifs de sans-papiers l’a récemment déclaré de façon univoque dans un communiqué: leur “combat ne cessera que le jour où les femmes, hommes et enfants sans papiers en Belgique auront accédé à leurs droits essentiels”.

Des solutions existent!

L’octroi récent aux réfugié·e·s ukrainien·ne·s de quelque 29.185 titres de séjour sur base de la protection temporaire en à peine quatre semaines a fini de le démontrer: lorsque la Belgique fait le choix de l’accueil, elle est en capacité de le mettre en œuvre. Des mesures progressistes doivent maintenant être adoptées pour contrebalancer les décennies de restrictions de droits qui ont condamné plusieurs dizaines de milliers de personnes à l’irrégularité de séjour. La mise en place d’un mécanisme permanent de régularisation basé sur des critères clairs et transparents, incluant notamment l’ancrage des personnes et leur participation à la société, permettrait d’atteindre cet objectif.

S’il est vrai que l’accord de gouvernement Vivaldi ne prévoit pas de modifier la politique de régularisation, il est aussi vrai que rien dans cet accord ne s’y oppose, contrairement aux accords de gouvernement précédents. Changer la politique de régularisation, c’est donc possible, même durant cette législature. Le temps des tergiversations est dépassé. Celui des fausses promesses également. Il faut maintenant rendre justice à ces citoyen·ne·s privé·e·s de leurs droits et leur donner accès à une vie digne.

Le CIRÉ, la FGTB, la CSC et le MOC soutiennent les revendications des personnes sans papiers en faveur de leur régularisation sur base de critères clairs et transparents. Avec elles, nous poursuivrons la bataille jusqu’à ce que leurs droits soient enfin reconnus et respectés. Les sans-papiers sont des citoyen·ne·s de ce pays. Il est temps de les respecter comme tel·le·s.

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