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Le chômage, c’est la faute aux étrangers?

Aaaah, ce serait simple hein? On aurait trouvé les coupables à tous nos maux, il n’y aurait plus qu’à les renvoyer d’où ils viennent, à empêcher les nouveaux de venir et notre problème serait réglé ! Mais qui peut croire sérieusement à une hypothèse aussi simpliste? Vous n’y croyez pas tout à fait? Vous voulez comprendre? OK, regardons-y de plus près!
Découvrez cette opinion de Fred Mawet, directrice du CIRÉ, publiée sur le site internet de la RTBF ce 23 septembre 2013.

D’abord, de qui parle-t-on? C’est qui “les étrangers”?

Les personnes d’origine étrangère qui ont acquis, par voie légale, au fil des années, les mêmes droits que vous et moi?
Si c’est d’eux que l’on parle, pour être de bon compte, il faut rendre compte de réalités très contrastées. Leur présence est salutaire dans des secteurs où il y a besoin de “bras” et dans lesquels les “Belges” ne veulent plus travailler (secteur santé – nettoyage – aide aux personnes surtout) et les chiffres montrent une présence proportionnellement plus importante des étrangers au chômage mais il faut ajouter que “si le chômage touche invariablement tous les individus, les personnes issues de l’immigration courent un risque plus élevé d’y être confrontées, celles-ci cumulant les obstacles. Parmi ceux-ci, on relèvera, outre la discrimination ethnique à l’embauche, les niveaux de formation, les réseaux sociaux, l’accès à l’information, l’origine sociale, le manque d’expérience professionnelle, le manque de connaissance du néerlandais”…

Parle-t-on des Européens qui viennent sur une base légale travailler sur notre marché du travail de par la libre circulation des travailleurs instaurée par l’Europe? Oui, ils sont présents en nombre important sur notre marché du travail mais, d’une part, nous leur rendons la pareille (des dizaines de milliers de Belges émigrent chaque année pour le travail) et, d’autre part, s’ils travaillent aux salaires fixés par les commissions paritaires et paient leurs cotisations sociales, cela ne pose pas de problèmes. Ce qui en pose par contre, c’est le développement des catégories de travailleurs qui sont en train de mettre à mal, par exemple, le secteur de la construction: les travailleurs détachés et les faux indépendants. Mais notons au passage qu’on trouve des faux indépendants tant parmi les travailleurs belges qu’étrangers!

Ou encore parle-t-on des sans-papiers, qui travaillent à des conditions totalement bradées là où d’aucuns sont très contents de les avoir sous la main pour produire des biens ou des services “pas chers”?
Disons cyniquement que ceux-là ne risquent pas de vous prendre du travail… Là où ils tirent leur maigre salaire, il n’y a pas de volonté ou pas de place pour du travail salarié aux normes. Mais régulièrement, en tant que consommateurs, vous profitez de ce travail au rabais.

Et si on se demandait plutôt : “à qui profite le crime”?
Aux travailleurs migrants eux-mêmes, souvent, dans la mesure où les revenus qu’ils touchent ici dépassent ceux qu’ils peuvent espérer chez eux. À leurs familles restées au pays, qui bénéficient d’importants transferts d’argent venant de ces travailleurs migrants. À nous, consommateurs, qui pouvons acheter une diversité de biens et services à des prix défiant toute concurrence. Aux entreprises, petites et grandes. Celles-ci, soit directement, soit par le biais de leurs achats ou de la sous-traitance, bénéficient du travail sous-rémunéré de ces travailleurs. Elles peuvent alors proposer des prix plus faibles ou engranger des bénéfices plus confortables. À l’État, aussi, qui, plus d’une fois, a recours à des fournitures de biens et services qui impliquent le travail irrégulier, la fraude et/ou la violation du droit du travail.

Le travail irrégulier profite donc à bien du monde. Il fait partie intégrante du mode de fonctionnement de notre économie. Sa solution implique de revoir ce fonctionnement.

Fred Mawet, Directrice du CIRÉ

Ce texte renvoie à la campagne “Tous des glandeurs !?” organisée par les Équipes populaires et Présence et actions culturelles.

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