Le jour où la Belgique et l’Europe ont eu le courage de défendre leurs valeurs- Lettre ouverte au Premier Ministre

À l’occasion du Conseil européen extraordinaire consacré aux migrations de ce jeudi 23 avril 2015, le CIRÉ et d’autres associations ont adressé une lettre ouverte au Premier Ministre, Charles Michel. Ce texte a été diffusé dans l’édition numérique du Soir de ce mercredi 22 avril 2015.

Monsieur le Premier Ministre,

Ce jeudi 23 avril 2015, la Belgique participera au Conseil européen extraordinaire faisant suite aux naufrages répétitifs en Méditerranée de ces derniers jours qui ont couté la vie à plus d’un millier de personnes.

À cette occasion, Monsieur le Premier Ministre, nous vous demandons si vous aurez, enfin, aux côtés des autres chefs d’États européens, le courage de mettre en œuvre les principes d’humanité et de solidarité constituant le socle des valeurs de l’Union européenne, ou si vous entérinerez les propositions de la Commission européenne reposant sur une série de mesures qui n’auront aucun impact sur les tragédies qui se jouent à nos frontières, voire qui les aggraveront ? Renforcer les moyens de Frontex – l’agence européenne de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, lutter contre les passeurs et les trafiquants, renforcer la coopération avec les pays non membres de l’Union européenne pour qu’ils contrôlent les départs des migrants en amont sont de fausses solutions.

Ces mesures, Monsieur le Premier Ministre, sont à l’agenda de l’Union depuis des années. Et outre leur inefficacité, elles n’ont produit que des violations des droits des migrants. En renforçant toujours plus la répression et le contrôle des frontières, davantage de migrants et de réfugiés ont péri, particulièrement en mer. En effet, pour arriver en Europe, ils doivent emprunter des voies de plus en plus dangereuses et se retrouvent contraints à faire appel à des passeurs sans scrupules. S’il existait plus de possibilités d’accès légal au territoire européen, il va de soi qu’ils n’auraient pas besoin de mettre systématiquement leurs vies en danger. Quant à demander aux pays non membres de l’Union européenne de contrôler les départs des migrants en amont et de gérer les demandes d’asile, c’est une façon de plus pour l’Europe de se défausser de ses responsabilités et de continuer à mener des négociations avec des régimes dictatoriaux ou non-respectueux des droits de l’Homme.

Si l’Union européenne ne veut pas avoir de sang sur les mains, ce n’est pas un plan d’urgence sécuritaire et répressif qu’elle doit adopter aujourd’hui, mais un plan d’urgence d’accueil s’inscrivant dans un autre paradigme de la politique migratoire européenne.

Faire vôtres de telles mesures, Monsieur le Premier Ministre, équivaudrait à continuer à laisser mourir les migrants et à mentir aux citoyens européens. Si l’Union européenne ne veut pas avoir de sang sur les mains, ce n’est pas un plan d’urgence sécuritaire et répressif qu’elle doit adopter aujourd’hui, mais un plan d’urgence d’accueil s’inscrivant dans un autre paradigme de la politique migratoire européenne.

La Belgique a la possibilité et le devoir de plaider pour que l’Europe aille vers un véritable respect des droits des migrants. Pour cela, l’Union européenne doit immédiatement mettre en place un plan européen de sauvetage en mer, à l’image de ce que fut Mare Nostrum; mettre fin aux actions de Frontex, dont le mandat n’est pas de sauver des migrants et réfugiés en détresse, mais de les surveiller et les renvoyer dans leur pays d’origine; prévoir un accueil digne et solidaire en Europe, au lieu d’appliquer aveuglément la réglementation “Dublin” laissant la gestion des migrations aux seuls pays limitrophes. L’Union doit également mettre en œuvre une approche coordonnée d’octroi de visas humanitaires et augmenter les possibilités de voies légales d’accès au territoire européen pour les migrants.

La Belgique, sans même devoir se retrancher derrière les décisions européennes, peut – et doit – agir également à son niveau. Pour cela, elle doit délivrer plus de visas humanitaires aux personnes qui demandent l’asile en Belgique ainsi qu’aux familles de réfugiés. La Belgique se doit de réinstaller bien davantage que 300 réfugiés, vu sa capacité réelle de prise en charge.

Les migrants et les réfugiés fuiront les conflits et la misère, quels que soient les dispositifs de contrôle et de surveillance. Utilisons donc les moyens dont l’Europe dispose pour leur donner un accueil et une protection dignes.

N’est-ce pas là, Monsieur le Premier Ministre, un message que la Belgique gagnerait à porter au sommet européen? Afin que l’on retienne que ce 23 avril 2015 fut le jour où, enfin, la Belgique et l’Europe, au regard de leurs valeurs humanistes, ont eu le courage d’adopter de réelles solutions à ces tragédies humaines.

Sont signataires de ce texte:

  • Caroline Intrand (CIRÉ)
  • Anne-Françoise Bastin (Aide aux personnes déplacées)
  • Thierry Bodson (Interrégionale wallonne FGTB)
  • François Cornet (Caritas international)
  • Alexis Deswaef (Ligue des droits de l’Homme)
  • Isabelle Doyen (Association pour le droit des étrangers)
  • Anne-Christine Ghysens (Cap Migrants)
  • Christian Kunsch (Mouvement ouvrier chrétien)
  • Frédéric Paque (Point d’appui)
  • Jean-François Tamellini (FGTB)
  • Philippe Van Muylder (FGTB Bruxelles)
  • Fabrice Van Reymenant (Bruxelles laïque)
  • Pierre Verbeeren (Médecins du Monde)
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