Espéranto, le secret des victimes

Quelque part dans la Wallonie confidentielle, Espéranto accueille et protège des mineurs présumés victimes de la traite des êtres humains. En 14 ans, 252 jeunes y ont séjourné.

Pas d’adresse mais une boîte postale, le préfixe non localisable 078 pour le téléphone, l’usage contrôlé de Facebook et du GSM. La discrétion est de mise à Espéranto. Car certains jeunes sont menacés de représailles ou de mort, surtout ceux qui ont porté plainte contre leur exploiteur… qui est parfois de la famille ou de la belle famille. À titre préventif, les résidents ne sortent pas sans être accompagnés d’un éducateur. Plus tard, une fois qu’ils auront pris conscience de leur situation, ils pourront se rendre seuls à l’école, mais leur retour sera toujours attendu avec bienveillance. Tout le voisinage croit que le centre héberge des “jeunes à problèmes”, sauf deux voisins mis au parfum (ils enseignent à l’école fréquentée par ces ados). Bien que les portes soient fermées, il ne s’agit pas d’un centre fermé mais d’un lieu sécurisé et discret.

©Roger Job

©Roger Job

À ce jour, les 12 résidents ont en moyenne 14 ans. Ils viennent se poser un temps dans ce cocon où ils bénéficient d’un accompagnement administratif, psychosocial, éducatif et juridique. Leurs dossiers sont lourds : victimes de trafic d’enfants, d’exploitation sexuelle, domestique, par le travail (dans la vente de fleurs, la culture de fruits, la restauration…), contraints à la mendicité ou à commettre des délits comme le trafic de stupéfiants.

Pas facile de regarder la réalité en face

Sandrine François est criminologue en fonction depuis la fondation d’Espéranto en 2002. C’est elle qui explique aux enfants la procédure judiciaire et ses incidences s’ils décident de porter plainte. “Selon les statistiques de l’Office des étrangers, peu de mineurs sont en procédure, ce qui ne veut pas dire qu’il y a peu de victimes. D’autant que certains ne se rendent pas compte de leur statut. Une Roumaine m’a ainsi raconté des histoires pendant des mois avant de comprendre que son proxénète n’était pas amoureux d’elle. Il y a aussi le poids de la famille. Les garçons roms ne se sentent pas victimes : s’ils commettent des délits, c’est pour leur famille. Autre exemple : les Nigérianes sous l’emprise de rituels vaudou dénoncent rarement les faits car elles craignent une mort subite pour elles-mêmes ou un de leurs proches. Ou encore, il est gênant pour des garçons de confier qu’ils ont été sexuellement exploités.
Tout l’enjeu est d’arriver à établir un lien de confiance avec les jeunes. Un travail d’autant plus compliqué que ce sont toujours des adultes qui les ont trahis.

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