Le Médiateur fédéral vient de publier un rapport d’enquête interpellant sur le fonctionnement de la section 9ter de l’Office des étrangers qui traite les demandes d’autorisation de séjour pour raisons médicales. Les constats dressés par le Médiateur sont largement partagés par les associations et les professionnels de terrain qui dénoncent depuis longtemps la situation préoccupante des migrants gravement malades en Belgique.
La procédure d’autorisation de séjour pour raisons médicales, prévue par l’article 9ter de la loi sur le séjour des étrangers, fait l’objet depuis plusieurs années d’une interprétation extrêmement restrictive de la part de l’Office des étrangers. Ce qui entraîne le renvoi vers leur pays d’origine de personnes gravement malades, sans possibilité de traitement adéquat. Nos associations dénoncent depuis longtemps cette pratique contraire au prescrit de la loi, qui met en danger la vie de nombreux étrangers. La majorité des demandeurs de régularisation médicale étant déboutés de leur demande, la pratique de l’Office des étrangers vide cet article de loi de sa substance et assimile la procédure 9ter à un “permis de mourir en Belgique”, selon les termes employés par le Conseil d’État.
Le Médiateur fédéral, saisi depuis 2013 de nombreuses plaintes individuelles, a mené pendant un an une enquête sur le fonctionnement de la section 9ter de l’Office des étrangers et vient d’en remettre le rapport au Parlement.
Les constats dressés par le Médiateur sont particulièrement interpellants: délai de traitement aléatoire des demandes, non prise en considération de la situation individuelle des personnes et de l’intérêt des enfants dans le processus de décision…
Plus grave encore, le Médiateur épingle la qualité de l’évaluation médicale et relève le manque d’homogénéité dans l’appréciation de la “gravité” de la maladie et du traitement estimé nécessaire de la part des médecins-conseillers, l’absence de consultation des médecins traitants des demandeurs et les conditions de travail des médecins qui “ne leur permettent pas toujours d’agir en conformité avec la déontologie médicale”. Le Médiateur relève aussi que la continuité des soins médicaux n’est pas assurée au moment de l’éloignement des malades dont la demande de séjour a été refusée.
Le Médiateur dresse également une liste de 26 recommandations au législateur (un délai de traitement des demandes et un recours suspensif et de plein contentieux devant le Conseil du contentieux des étrangers) mais surtout à l’administration: un plan de formation et une réelle autonomie des médecins-conseillers, le respect de la déontologie médicale, des standards d’appréciation communs pour évaluer la “gravité de la maladie” et le “traitement nécessaire”, la considération de la situation individuelle des demandeurs et notamment de leur contexte social dans l’appréciation de l’accessibilité des soins dans les pays d’origine…
Les constats dressés par le Médiateur sont largement partagés par les acteurs de terrain. Il y a un an, ces acteurs (associations, avocats, juristes, médecins, assistants sociaux) publiaient en effet un Livre blanc, dans lequel ils épinglaient déjà la plupart de ces dysfonctionnements.
Les associations ne sont donc pas surprises par les conclusions du rapport du Médiateur fédéral. Elles demandent que le législateur et l’administration prennent enfin leurs responsabilités et se conforment à ses recommandations. La pratique administrative actuelle menace directement la vie et la dignité de nombreuses personnes gravement malades et contrevient aux engagements internationaux de la Belgique en matière de respect des droits humains et du droit à la santé. Il est grand temps que l’article 9ter permette à nouveau d’assurer réellement la protection des étrangers gravement malades qui comptent parmi les personnes les plus vulnérables de notre société.
- Association pour le droit des étrangers
- Caritas international
- CIRÉ
- Ligue des droits de l’Homme
- Médecins du Monde
- Medimmigrant
- Ulysse