Depuis quelques semaines, le Secrétaire d’État à l’asile et la migration met en place différentes mesures visant clairement à dissuader les Irakiens de venir demander l’asile en Belgique. Pour le CIRÉ, cela revient à les détourner de l’exercice de leur droit d’asile. Et ceci n’est pas acceptable. Découvrez le communiqué de presse du CIRÉ du 8 octobre 2015.
Depuis le mois de juillet, le nombre de demandeurs d’asile irakiens a sensiblement augmenté en Belgique. Selon les chiffres publiés par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), ils étaient 2160 à avoir introduit une demande en août, soit 46,7% du total des demandes introduites ce mois-là. Début septembre, le CGRA a annoncé un gel provisoire des notifications de décisions pour les demandes d’asile des Irakiens originaires de Bagdad. L’instance d’asile souhaite prendre le temps de vérifier s’il est toujours justifié d’octroyer d’office le statut de protection subsidiaire aux personnes provenant de cette région.
Dissuasion
Dans ce contexte, le Secrétaire d’État à l’asile et la migration, Theo Francken, a de son côté mis en place différentes mesures visant clairement à dissuader les Irakiens de demander la protection chez nous. Il a fait remettre un document aux Irakiens qui arrivent en Belgique leur indiquant que, s’ils sont passés par un autre pays européen, ils risquent d’être détenus en centre fermé et renvoyés dans ce pays, en vertu du règlement de Dublin. Cette « information » est plus qu’orientée puisqu’en réalité, le transfert vers un autre État n’est pas automatique et nécessite un examen au cas par cas. Détenir un demandeur d’asile simplement parce que l’on présuppose qu’il pourrait être renvoyé vers le premier pays d’entrée en Europe est par ailleurs une pratique illégale, car contraire au règlement Dublin lui-même. Pourtant, l’Office des étrangers a détenu plusieurs Irakiens sur cette base.
Le Secrétaire d’État a également adressé une lettre aux demandeurs d’asile irakiens séjournant déjà dans un centre d’accueil pour leur expliquer que, vu le gel au CGRA, l’issue de leur demande de protection était incertaine. Le tout accompagné d’une brochure encourageant au retour volontaire. Il a par ailleurs lancé une campagne sur Facebook directement adressée aux Irakiens, pour les décourager de venir en Belgique.
Droit d’asile en péril
Oui, il y a pour l’instant un gel de la notification des décisions du CGRA pour les Irakiens originaires de Bagdad concernant l’octroi ou non de la protection subsidiaire. Mais cela ne veut pas dire que les décisions seront négatives et, quoi qu’il en soit, elles seront examinées au cas par cas. Mais surtout, cela ne justifie pas de mener une campagne de dissuasion envers les Irakiens. Avant le gel au CGRA, le taux de protection des Irakiens était de 81,5%. Donc, la Belgique reconnait, malgré l’incertitude actuelle pour les demandeurs d’asile de Bagdad, qu’un grand nombre de ces demandeurs sont en besoin de protection. Ces personnes ont donc de bonnes raisons de demander l’asile chez nous. Les recommandations du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés d’octobre 2014 restent d’ailleurs valables aujourd’hui : elles indiquent clairement qu’il ne doit pas y avoir de renvois forcés vers l’Irak, quelle que soit leur ville de provenance.
Les demandeurs d’asile irakiens, parce qu’ils sont la première nationalité à demander l’asile en Belgique à l’heure actuelle, sont particulièrement visés par le Secrétaire d’État qui confond gestion des flux migratoires et droit d’asile. Tenter de les dissuader de venir en Belgique, en laissant entendre qu’ils n’obtiendront probablement pas de protection, c’est tout simplement mettre en péril le droit d’asile qui repose notamment sur un examen individuel des situations. Et pourtant, le droit d’asile est un droit fondamental pour nos démocraties, et particulièrement dans le contexte international actuel.
Contact:
Caroline Intrand, co-Directrice du CIRÉ